ON OBSERVE deux pics de fréquence de la trichotillomanie, l’un vers l’âge de 2 ans, l’autre vers 10-12 ans. Elle survient de préférence chez les filles, en particulier les aînées et peut s’accompagner d’une trichophagie aboutissant à la constitution d’un amas de poils dans l’estomac. Généralement, l’enfant s’arrache les cheveux quand il est seul, les parents restent ignorants du trouble jusqu’à ce que les lésions du cuir chevelu deviennent manifestes et qu’ils amènent leur enfant en consultation. L’enfant ne nie pas l’auto-arrachage sauf s’il est réellement en conflit avec ses parents ou son médecin. Un élément déclencheur peut être retrouvé comme, par exemple, une coupe de cheveux imposée ou un contexte de séparation ou de conflit familial. Généralement, on ne retrouve pas d’organisation psychopathologique particulière. Néanmoins, il existe souvent des troubles de l’humeur, parfois une organisation névrotique obsessionnelle, rarement psychotique. Parfois également un retard mental.
Impulsion.
Le DSM IV définit cinq critères diagnostiques de la trichotillomanie, tous orientés sur les symptômes : l’auto-arrachage des cheveux à l’origine d’une alopécie, une détresse et des difficultés sociales dues au trouble, une tension psychologique croissante avant l’arrachage ou s’il rencontre une résistance face à ce comportement, un plaisir ou un soulagement après l’arrachage, et enfin aucun autre trouble mental explicatif. La trichotillomanie fait partie des troubles du contrôle des impulsions, l’impulsion étant définie par une sensation croissante de tension et d’excitation avant de commettre l’acte, comme par exemple dans la kleptomanie, les troubles explosifs intermittents, le jeu pathologique ou encore la pyromanie.
Défense.
« Plusieurs abords psychopathologiques peuvent être évoqués pour tenter de comprendre la trichotillomanie », expliquait le Pr Laurent Misery. On évoque souvent une sorte de sacrifice du pouvoir de séduction au moment du complexe d’Œdipe (la féminité serait refusée et sacrifiée symboliquement dans le cadre d’une rivalité œdipienne avec la mère) ; ou encore un sadomasochisme en réponse à des mères ambivalentes, une réassurance face à la séparation (réelle ou redoutée) avec la mère, le cheveu étant alors un objet transitionnel. La trichotillomanie peut également être interprétée comme un moyen de défense contre l’angoisse de castration : sacrifier une partie pour sauver le reste. « Mais on peut voir les choses de façon très différente, c’est le point de vue neurogénétique », poursuivait le Pr Misery. Ainsi, des cas ont été décrits en association avec le syndrome de Gilles de la Tourette, trouble neurologique héréditaire qui débute dans l’enfance et caractérisé par des tics ; une mutation retrouvée dans certains cas de trichotillomanie a été également retrouvée dans ce syndrome. On observe également des cas familiaux, fréquemment chez des jumeaux.
L’évolution de la trichotillomanie est très variable. Elle peut être longue avec des facteurs péjoratifs que sont le retard de prise en charge, la lourdeur du contexte familial et social et la sévérité des troubles associés. « Le traitement doit être avant tout dermatologique, précisait L. Misery, ce qui prouve l’intérêt que le médecin porte aux symptômes et qui les dédramatise. On peut dans certains cas proposer des psychothérapies de type cognitives et comportementales, éventuellement donner des antidépresseurs et, dans de rares cas, des neuroleptiques. Il faut dans tous les cas être à l’écoute des patients, leur apporter un soutien psychologique et surtout ne pas être catégorique ou culpabilisant ».
D’après la communication « Cuir chevelu et psychisme » du Pr Laurent Misery (CHU Brest).
Article précédent
Il faudra changer de culture
Hedgehog ouvre sa voie
Tabac, alcool : Des liens très étroits
De nouvelles molécules en phase III
Sécurité oblige !
Corriger sans masquer
L’IUV, ce méconnu
Il faudra changer de culture
Dédramatiser la trichotillomanie
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024