LE QUOTIDIEN. Comment évolue la classification de l’IC ?
Pr MICHEL GALINIER. Le concept d’IC à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) intermédiaire introduit en 2016 a été remplacé par celui d’IC à FEVG modérément réduite (« mildly reduced »). On distingue ainsi désormais l’IC à FEVG altérée ou réduite (≤ 40 %, HFrEF), l’IC à FEVG modérément réduite (41 à 49 %, HFmrEF), et l’IC à FEVG préservée (≥ 50 %, HFpEF).
Cette approche est beaucoup plus simple ! Globalement si la FEVG est inférieure à 50 %, les médicaments sont efficaces, alors que si la FEVG est préservée, ils ne le sont pas. Une évolution qui découle des données des derniers essais, soulignant l’existence d’un gradient d’efficacité des traitements inversement proportionnel à la FEVG.
Et concernant les traitements de première intention ?
La deuxième grande évolution, conceptuelle, est la fin de la hiérarchisation des traitements. Aujourd’hui, le traitement médicamenteux de l’HFrEF repose en première intention sur quatre grands piliers : les bloqueurs du système rénine-angiotensine, les bêtabloquants, les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes et les inhibiteurs de SGLT2, qui font leur entrée dans l’arsenal thérapeutique. Ils doivent être prescrits d’emblée chez tous les patients, à dose faible puis augmentés progressivement. Cette quadrithérapie pour tous est complétée si besoin par la prescription d’un diurétique de l’anse pour contrôler les symptômes.
Que pensez-vous de l’introduction de la télésurveillance ?
La gestion du traitement sera plus complexe, tout du moins lors de la phase d’augmentation progressive des doses. On ne peut donc que saluer la nouvelle place faite à la télésurveillance dans ces recommandations, malgré les résultats contradictoires des essais cliniques. Elle fait désormais partie intégrante du traitement pluridisciplinaire de l’IC. La crise du COVID-19 a souligné l’apport des téléconsultations, qui nous permettent de gérer plus facilement l’adaptation des posologies chez nos patients.
Quelle est dorénavant la place des thérapies non médicamenteuses ?
En deuxième intention, les indications à un traitement électrique ont été affinées, notamment chez les patients ayant une FEVG < 35 % malgré un traitement médical bien conduit depuis trois mois et une espérance de vie supérieure à un an. L’implantation d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) en prévention primaire est alors indiquée en cas de cardiopathie ischémique et peut être discutée en cas de cardiopathie non ischémique. Les indications de la resynchronisation cardiaque ont elles aussi évolué.
Parmi les traitements non médicamenteux, on peut retenir la plus large place accordée à l’ablation par radiofréquence, chez les patients ayant une fibrillation atriale qui aggrave la cardiomyopathie, et celle du traitement de l’insuffisance mitrale (IM) par voie percutanée (Mitraclip), à considérer chez certains patients ayant une IM persistante malgré un traitement médical optimal.
Quelles autres avancées vont modifier la stratégie thérapeutique ?
Ces nouvelles recommandations préconisent également de mener une réflexion sur le phénotype de la maladie, afin de proposer le cas échéant un traitement adapté. Une des nombreuses situations déclinées est l’IC aggravée, avec une poussée congestive récente pouvant conduire à la prescription d’un stimulateur de la guanylate cyclase, qui agit sur la voie du NO et permet de réduire le risque d’hospitalisation. Chez les patients en rythme sinusal rapide, l’ivabradine a toute sa place.
Les indications de la correction de la carence martiale par voie intraveineuse se sont élargies à l’IC aiguë, si la FEVG est inférieure à 50 %.
Un algorithme diagnostique de l’amylose cardiaque est proposé, avec, point important, la perte du caractère systématique de la biopsie pour porter le diagnostic d’amylose à transthyrétine. Le tafamidis est indiqué dans les formes génétiques et sauvages.
Et dans l’IC à FEVG préservée ?
Les experts préconisent un traitement diurétique et la prise en charge des comorbidités. Mais bien sûr, ces recommandations ont été rédigées avant la publication des résultats de l’étude EMPEROR-Preserved (voir page XXX), qui changent la donne puisque l’empagliflozine permet chez ces patients aussi de réduire le risque d’hospitalisations pour IC. Le traitement a permis de réduire significativement, de 21 %, le critère principal combiné associant décès cardiovasculaires et hospitalisations pour IC et de 27 % les hospitalisations pour IC. Il s’agit là d’une avancée majeure, puisque nous disposons enfin d’un traitement efficace pour ces patients. Certes, des critiques peuvent être faites, la FEVG était modérément réduite et non pas préservée chez certains patients, mais la tendance positive persiste au-delà de 60 % et les analyses en sous-groupes sont concordantes. On attend désormais les résultats avec la dapagliflozine. Cependant, un effet de classe est très probable pour les gliflozines qui sont des diurétiques « intelligents » (agissant au niveau du tubule proximal, mettant ainsi en jeu le réflexe tubuloglomérulaire) entraînant une diurèse osmotique et un effet natriurétique.
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