Bien qu’elle soit proposée dans plusieurs recommandations et notamment chez le diabétique, il n’y a, en 2014, aucune preuve que l’aspirine est bénéfique en prévention cardiovasculaire primaire, quelle que soit la situation clinique.
L’aspirine a été évaluée en prévention cardiovasculaire primaire dans au moins 9 essais thérapeutiques contrôlés ayant inclus plus de 100 000 patients. Et, alors que 4 000 décès dont 1 300 de cause cardiovasculaire sont survenus dans ces essais, les méta-analyses ont montré que l’aspirine ne réduit pas la mortalité totale ou cardiovasculaire. Une diminution inconstante des infarctus du myocarde (IDM) est enregistrée, plutôt chez les hommes, et des accidents vasculaires cérébraux (AVC), plutôt chez les femmes, mais l’augmentation significative du risque d’hémorragies majeures rend compte de l’absence de bénéfice clinique net. Ce résultat est concordant dans plusieurs méta-analyses, et notamment chez celles n’ayant pris en compte que les diabétiques.
Plusieurs essais sont donc en cours pour mieux évaluer l’effet de l’aspirine tant en prévention primaire tout venant que spécifiquement chez les diabétiques. Et, ce n’est pas l’étude Japanese Primary Prevention Project (JPPP), présentée à l’AHA par Yasuo Ikeda (Tokyo, Japon) [1], qui modifiera d’un iota les données obtenues dans ces méta-analyses.
100 mg par jour
L’étude JPPP, essai thérapeutique contrôlé, conduite en ouvert avec une adjudication en aveugle des événements, avait pour objectif d’évaluer si un traitement par de l’aspirine à 100 mg par jour permet de réduire les événements cardiovasculaires majeurs chez des patients âgés de 60 à 85 ans et n’ayant pas de maladie cardiovasculaire connue. Le critère primaire évalué était composé des décès cardiovasculaires et des AVC et IDM non fatals. L’étude devait être poursuivie jusqu’à ce que 624 événements du critère primaire soient survenus chez 15 000 patients.
Cet essai a été mené dans 1 007 centres au Japon et a inclus 14 658 patients âgés en moyenne de 70 ans. Il a été arrêté avant son terme, soit avec un suivi moyen de 5 ans, pour futilité, lorsque 400 événements du critère primaire furent survenus.
Aucune différence entre les groupes n’a été enregistrée concernant le critère primaire (HR : 0,94 ; IC 95 % : 0,77–1,15 ; p = 0,544). L’incidence des événements était équivalente tant chez les hommes que chez les femmes, chez les diabétiques que les non diabétiques.
Il n’y a pas eu non plus de différence entre les groupes concernant la mortalité totale (HR : 0,99 ; IC 95 % : 0,85-1,17), et la mortalité cardiovasculaire (HR : 1,03 ; IC 95 % : 0,71-1,48). Chez les patients sous aspirine, il a été observé une incidence moindre des IDM non fatals (HR : 0,53 ; IC 95 % : 0,31-0,91) et une augmentation significative des hémorragies graves non intracrâniennes (HR : 1,85 ; IC 95 % : 1,22-2,81), notamment digestives.
Contrairement à une croyance établie, renforcée par des recommandations n’ayant pas pris en compte la totalité des preuves disponibles, et en dépit d’une pratique répandue, renforcée par les rémunérations sur objectif de santé publique (ROSP), il n’y a toujours aucune preuve, en 2014, que l’aspirine apporte un bénéfice clinique net en prévention cardiovasculaire primaire, que le patient soit diabétique ou non. L’étude JPPP démontre de plus que cette absence de bénéfice peut être étendue aux patients les plus âgés.
(1) Ikeda Y et al JAMA. doi:10.1001/jama.2014.15690.
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