Dans des situations diverses, physiologiques ou pathologiques, la structure et la fonction cardiaques s'adaptent au niveau de l'organe lui-même, du tissu et des cellules qui le composent. L'ensemble de ces modifications, le remodelage cardiaque, peut être observé dans des conditions physiologiques comme la pratique régulière d'un sport ou la grossesse. L'hypertrophie des cardiomyocytes s'accompagne alors d'un accroissement de leur capacité contractile et de mécanismes adaptatifs rendant possibles une augmentation du travail cardiaque. Le remodelage ventriculaire pathologique est observé en cas d'hypertension artérielle, d'infarctus du myocarde ou de troubles du métabolisme par exemple. Le remodelage est qualifié de pathologique s'il survient en association avec une maladie cardiovasculaire. Il associe alors une modification de la géométrie de la cavité ventriculaire, une hypertrophie des cardiomyocytes, une fibrose et une altération de la force contractile.
Le remodelage cardiaque pathologique est considéré comme une cible thérapeutique potentielle depuis la publication des données de l'étude de Framingham qui ont montré que l'hypertrophie ventriculaire, un des paramètres du remodelage, a été associée à la survenue de complications cardiovasculaires. C'est pourquoi les traitements actuels qui s'opposent à l'activation des systèmes neurohumoraux mis en jeu et réduisent ainsi les contraintes hémodynamiques, freinent le remodelage ventriculaire pathologique (1).
Une « dissection » des mécanismes moléculaires du remodelage
Cependant, les mécanismes intimes qui conduisent au phénotype délétère restent à explorer. Le développement des techniques d'analyse dite protéomique, c'est-à-dire l'étude de l'ensemble des protéines (le « protéome ») d'un organisme, d'un fluide biologique, d'un organe, d'une cellule ou d'un compartiment cellulaire, permet de rechercher des protéines impliquées dans des processus pathologiques sans a priori. C'est en particulier le moyen de découvrir et de valider l'utilisation des biomarqueurs protéiques.
Les études REVE (pour remodelage ventriculaire) et REVE-2 ont ainsi permis d'analyser la relation entre les niveaux de clustérine plasmatique et le remodelage du ventricule gauche après un infarctus du myocarde (2). Cette protéine serait impliquée dans l'hypertrophie ventriculaire compensatoire et joue un rôle dans les phases précoces et tardives de l'infarctus myocardique. Il s'agit d'une glycoprotéine hétérodimérique dont la distribution chez les animaux supérieurs est très large. Elle a été associée à des phénomènes physiologiques comme les interactions cellule-cellule, la sécrétion, la régulation du complément ou le transport des lipides. Son expression est observée pendant la neurodégénérescence, le cancer ou l'apoptose. De ce fait, elle pourrait être utilisée comme un marqueur clinique de la présence de diverses lésions tissulaires.
Alors que, malgré les approches thérapeutiques modernes, le remodelage ventriculaire gauche postinfarctus reste relativement fréquent et difficile à prévoir en pratique.
Les taux plasmatiques de clustérine apparaissent comme un nouveau marqueur prédictif de la mortalité cardiaque précoce chez les patients insuffisants cardiaques ayant une fraction d'éjection réduite.
(1) Sainte-Marie Y, Bisserier M, Tortosa F, et al. [Molecular determinants of pathological cardiac remodeling: the examples of Epac and Carabin]. Med Sci (Paris) 2015;31:881-8.
(2) Turkieh A, Fertin M, Bouvet M, et al. Expression and Implication of Clusterin in Left Ventricular Remodeling After Myocardial Infarction. Circ Heart Fail 2018;11:e004838.
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