En 2013, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) sollicitait la Haute Autorité de santé (HAS) pour réaliser une évaluation médico-économique et organisationnelle de la chimiothérapie anticancéreuse en hospitalisation à domicile (HAD). Ce travail devait notamment actualiser le rapport publié en 2005 par la HAS (1).
Pour mener à bien ce travail, trois méthodes d’investigation ont été mises en œuvre par la HAS. Tout d’abord, l’importance de la chimiothérapie en HAD a été analysée en utilisant la base de données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) sur l’HAD ; ceci a permis de dresser un constat sur les chimiothérapies déjà réalisées en HAD, les types de patients et la répartition géographique des structures d’HAD qui prennent en charge la chimiothérapie.
Puis les données de la littérature de 2005 ont été actualisées jusqu’en 2013 en incluant les analyses médico-économiques et la satisfaction des patients. « Mais les études sont rares, souligne Isabelle Hirtzlin, cheffe du projet. Quasiment inexistantes en France, on possède tout au plus de quelques études internationales. On a donc jugé que les conclusions issues de la littérature étaient insuffisantes ».
C’est pourquoi, dans un troisième temps, cinq monographies portant sur huit HAD ont été réalisées ; elles permettent de dresser un état des lieux principalement sur l’organisation, les freins et les leviers de la chimiothérapie en HAD.
L’activité de chimiothérapie en HAD apparaît déséquilibrée au niveau territorial et au niveau du type de pathologie. «Tous ces travaux, précise Isabelle Hirtzlin, ont permis de constater que la chimiothérapie anticancéreuse en HAD est encore très peu développée en France, qu’elle est très inégalement répartie sur le territoire et qu’elle concerne principalement l’hématologie et, à un moindre degré, le cancer du sein ».
Quant au coût, il dépend de nombreux paramètres, notamment de la tarification de l’HAD, des protocoles de chimiothérapie et de l’éloignement des patients. Le taux de satisfaction des patients a été apprécié à partir d’enquêtes faites par des cliniciens mais leur méthodologie ne permet pas d’apporter un niveau de preuve suffisant.
Le principal frein identifié est tarifaire et se situe à deux niveaux : celui de l’hospitalisation de jour (HDJ) et celui de l’HAD. En effet, avec la tarification à l’activité (T2A), la chimiothérapie s’est beaucoup développée en HDJ ; les établissements qui adressent les patients en HAD perdent des recettes et ne sont donc pas enclins à le faire. D’un autre côté, les structures d’HAD ne sont pas bénéficiaires quand elles prennent en charge des cures de chimiothérapie car les molécules sont en général coûteuses, les injections peuvent être longues, et les coûts de transport importants. « À ceci, il faut ajouter que les oncologues sont parfois réticents à externaliser leurs patients car ils ont le sentiment de perdre leur suivi », souligne Isabelle Hirtzlin.
Mais des leviers existent. « On a pu constater, explique Isabelle Hirtzlin, que certaines structures d’HAD sont intégrées dans des centres de lutte contre le cancer, d’autres ont des médecins coordonnateurs diplômés en oncologie, ce qui facilite la procédure. Les infirmiers sont pour la plupart formés à l’administration d’une chimiothérapie à domicile et trouvent dans cette activité une valorisation professionnelle du fait du caractère technique des actes. Par ailleurs, la préparation et l’acheminement des chimiothérapies s’effectuent via les pharmacies à usage intérieur dans les mêmes conditions de qualité et de sécurité que pour les chimiothérapies dispensées en hospitalisation conventionnelle. Enfin, dans certaines zones, des coopérations fortes entre HAD et secteur libéral se sont déployées avec les médecins traitants et les infirmiers, ce qui permet de couvrir efficacement toute une région. Tous ces paramètres créent un dynamisme sur le terrain, qui renforce, accélère et facilite la mise en place de mesures ». Le rapport et les recommandations de la HAS sur le sujet sont aujourd’hui élaborés et seront probablement rendus publics en février 2015.
Entretien avec Isabelle Hirtzlin, chef de projet, service évaluation économique et Santé publique, HAS
(1) HAS. Analyse comparée de la chimiothérapie anticancéreuse administrée à l’hôpital ou prise en charge à domicile : aspects économiques et organisationnels. 2005
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