LE QUOTIDIEN : Qu’est-ce que le programme LEA ?
Pr GÉRARD MICHEL : Après la guérison d’un cancer de l’enfance, la vie d’adulte peut ne pas être celle qu’elle aurait été sans la maladie. C’est pour cela qu’il y a vingt ans nous avons créé, avec le Pr Pascal Auquier, le programme de recherche LEA, qui est rapidement devenu également un programme de soins. Aujourd’hui notre activité est dévolue pour deux tiers à la clinique, et pour le tiers restant à la recherche. Nous sommes associés à 19 centres de la Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent pour le suivi de plus de 7 000 anciens patients traités pour une hémopathie maligne de l’enfance. Si nous avons réussi à obtenir un soutien financier pérenne pour la recherche, grâce notamment à La Ligue contre le cancer, la fondation Laurette Fugain et l’Institut national du cancer, ce n’est pas le cas pour la clinique qui nécessite pourtant du temps et des moyens.
Quelles sont les connaissances acquises sur les risques de santé après un cancer dans l’enfance ou à l’adolescence ?
Il y a évidemment les séquelles physiques : fonction rénale, déficits endocriniens, fertilité… Il existe aussi un risque de tumeurs secondaires lié, soit aux traitements, notamment aux irradiations, soit à une susceptibilité individuelle. Chez les femmes, par exemple, la radiothérapie sur le thorax, quelle que soit la dose, augmente considérablement le risque de cancer du sein ; ces anciennes patientes doivent bénéficier plus tôt d’un dépistage par mammographie ou IRM. Il faut aussi savoir qu’à exposition égale, il existe une disparité, suggérant qu’il y aurait une susceptibilité ou une protection génétique. Nous sommes en cours de recherche et avons séquencé le génome de patients dans les projets Cryo-LEA et GEN-LEA.
Sans oublier la problématique du risque cardiovasculaire. Il y a vingt ans nous pensions que la toxicité cardiaque était due aux anthracyclines et qu’il suffisait de limiter les doses cumulées. Une des hypothèses physiopathologiques que nous avions était que les irradiations affectaient le tissu graisseux et ainsi le potentiel de stockage des triglycérides. Cependant, il demeurait des complications qui étaient en réalité dues au syndrome métabolique, exposant lui-même au risque de maladies. Ce syndrome est plus fréquemment retrouvé chez les patients guéris d’une leucémie que dans la population générale.
Nos recherches portent également sur les conséquences psychosociales, nous nous sommes beaucoup intéressés à la qualité de vie et aux marqueurs sociaux des personnes guéries d’un cancer de l’enfant.
La connaissance des complications tardives des traitements amène à modifier les thérapeutiques
Quel devenir de la prise en charge ?
La connaissance des complications très tardives des traitements amène à modifier les thérapeutiques. Par exemple, dans la maladie de Hodgkin, le surrisque important lié aux irradiations implique désormais de se passer de la radiothérapie lorsque les patients sont bons répondeurs à la chimiothérapie seule. À l’heure actuelle, il n’y a plus qu’un tiers de ces patients qui sont irradiés ! Parfois, cela n’est pas possible d’y surseoir, car la survie reste l’objectif majeur des prises en charge chez l’enfant. Bien évidemment, les risques de toxicité gonadique et d’infertilité sont pris en compte pour préserver au mieux la fertilité ultérieure. La désescalade peut fonctionner, mais pas tout le temps. Un dernier point d’intérêt en recherche concerne les nouveaux médicaments dont nous ignorons encore la toxicité sur le long terme.
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