Chez les personnes vivant avec un diabète, comme en population générale, la prévalence du tabagisme est plus élevée parmi les hommes que parmi les femmes. Néanmoins, certaines données tendent à montrer que les femmes diabétiques présentent une consommation accrue ces dernières années, notamment parmi les jeunes générations, ou du moins que la diminution de la consommation tabagique est moindre chez elles.
Quel que soit le type de diabète, les méfaits du tabagisme sur le risque de complications chroniques (micro- et macrovasculaires) et de mortalité de toute cause sont aujourd’hui bien documentés, dans les deux sexes. Cependant, dans le diabète de type 2 (DT2), les conséquences du tabac semblent plus importantes chez les femmes, par rapport aux hommes, sur le plan de la morbidité coronarienne, avec, pour les patientes, un risque 50 % plus élevé de présenter un évènement coronarien mortel selon certaines études.
« Ainsi, la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire (FRCV) chez les femmes vivant avec un diabète doit faire l’objet d’une attention particulière par les professionnels de santé et ce, d’autant plus que certaines études ont montré que la prise en charge de certains FRCV (hypertension et dyslipidémie) était plus agressive chez les hommes que chez les femmes, que ce soit dans le DT2 ou le DT1 », souligne la Dr Blandine Tramunt (Toulouse).
Le genre du sevrage
On sait que l’arrêt du tabac est associé en population générale à une augmentation du risque de syndrome métabolique ou de DT2, importante dans les cinq à dix premières années, et s’atténuant avec le temps pour rejoindre le risque des non-fumeurs. Il faut souligner que cette augmentation transitoire du risque de survenue de DT2 à la suite du sevrage n’atténue en rien le bénéfice global de l’arrêt du tabac sur la morbimortalité. Le lien entre tabagisme (actif ou passif) et survenue de DT2 est établi dans les deux sexes, avec un surrisque comparable entre les hommes et les femmes.
Si les bénéfices du sevrage sont équivalents, il existe des différences liées au sexe et/ou au genre sur les chances de réussite. En effet, les femmes sont volontiers plus dépendantes à la nicotine et plus susceptibles de prendre du poids : autant d’obstacles à l’arrêt du tabac qui devraient être mieux pris en compte lors des stratégies d’aide au sevrage, afin d’améliorer le pourcentage de succès et le maintien à long terme de l’abstinence. « D’autant que le rôle de la prise de poids dans la survenue du DT2 après sevrage n’est pas univoque dans la littérature », note la Dr Tramunt.
Pendant la grossesse : objectif sevrage
Les effets délétères du tabagisme pendant la grossesse sont bien documentés, avec une toxicité directe sur les organes au cours du premier trimestre, qui se traduit par un risque accru d’asthme chez la descendance, et un blocage de la croissance fœtale lors des 2e et 3e trimestres, à l’origine d’une fréquence accrue de petit poids de naissance et son cortège de complications.
Le sevrage tabagique total est bien sûr l’objectif premier chez toute femme enceinte, mais bon nombre ne parviennent pas à arrêter complètement (en France, 12 % déclarent fumer en fin de grossesse).
Ainsi, en pratique, les soignants préconisent une réduction de la consommation de cigarettes, « mais cette stratégie ne permet aucunement de diminuer le risque de petit poids de naissance, comme cela a été démontré dans plusieurs études », prévient le Dr Ivan Berlin (Paris). Même la consommation de 1 à 4 cigarettes par jour s’accompagne en effet d’une baisse du poids de naissance.
Des périodes d’abstinence totale face aux difficultés d’arrêt
Une autre approche pourrait être proposée : des périodes d’abstinence totale d’une semaine, répétées au moins trois fois au cours de la grossesse. Une analyse secondaire des données des femmes inclues dans l’étude Fiscp (financial incentives for smoking cessation in pregnancy) montre en effet que le respect de cette stratégie permet de réduire le risque de petit poids de naissance (OR = 0,124 ; IC95 [0,03-0,53] ; p = 0,005), comparativement à l’absence de périodes d’abstinence. La réduction d’au moins de moitié de la consommation tabagique n’a, quant à elle, pas d’effet sur le poids de naissance. « Il semble donc intéressant de proposer aux femmes qui ne réussissent pas à arrêter complètement de fumer de répéter des périodes d’abstinence totale (au moins trois fois une semaine) plutôt que de réduire leur consommation », résume le spécialiste.
Plus de la moitié des femmes enceintes sont exposées au tabagisme passif
La double peine du co-parent
L’exposition au tabagisme passif concerne environ 30 % de la population générale, mais sa prévalence chez les femmes enceintes est plus élevée, pouvant dépasser 50 %, compte tenu du plus fort taux de tabagisme dans cette tranche d’âge. Le principal facteur de risque associé au tabagisme passif est la présence d’un conjoint fumeur, suivi de l’âge < 25 ans, la primiparité, et d’autres facteurs de risque classiques du tabagisme que sont un niveau socio-économique bas et un environnement tabagique ancien.
Les effets du tabagisme passif sur la grossesse et l’enfant à naître ont été un peu moins étudiés que ceux du tabagisme actif, mais diverses études ont mis en évidence un risque accru de mort fœtale in utero, de malformations fœtales, de prématurité et de faible poids de naissance, la réduction du poids étant toutefois moindre qu’en cas de tabagisme actif. « Il s’agit donc d’un problème important, qui concerne à la fois des femmes non-fumeuses, exposées au tabagisme passif via leur entourage, et des femmes fumeuses, qui sont doublement exposées aux substances nocives issues des fumées du tabac, via leur consommation et celle de leur entourage », souligne le Dr Emmanuel Rault (CHU de Lyon).
Pour les praticiens, il est ainsi important d’interroger les femmes non seulement sur leur propre consommation de cigarettes mais également sur celle de leur conjoint, qui, outre ses effets nocifs, a un effet direct sur le succès du sevrage : le taux d’arrêt de la consommation de tabac à la fin du premier trimestre de la grossesse est de 65 % lorsque le conjoint est non-fumeur, mais seulement de l’ordre de 40 % s’il est fumeur.
Il n’y a pas de prise en charge standardisée du tabagisme passif chez les femmes enceintes. Les interventions brèves (conseils délivrés une seule fois à la femme enceinte) n’ont pas d’effet, et les données sur les méthodes comportementales sont parcellaires et ne permettent pas de conclure. Néanmoins, les seuls essais disponibles semblent mettre en avant une réduction de la consommation tabagique en cas d’interventions psycho-comportementales auprès du conjoint et du couple. Certains centres proposent ainsi au co-parent de rencontrer un tabacologue, pour faciliter cette prise de conscience, sans que cette approche n’ait toutefois pour l’instant été validée.
Entretien avec les Drs Blandine Tramunt (Toulouse), Ivan Berlin (Paris) et Emmanuel Rault (CHU de Lyon)
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