« Parce que l’incitation ne suffit plus, la liberté d’installation des médecins ne doit plus être un totem », écrit le député des Côtes-d’Armor Corentin Le Fur (Les Républicains) dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi (PPL) déposée le 1er octobre, que Le Quotidien a pu consulter. Celle-ci, ambitionnant de lutter contre les déserts médicaux, se décompose en deux volets : l’un, sur la suppression de la liberté d’installation des médecins et, l’autre, sur la formation, avec la suppression du numerus clausus.
La principale disposition que prône le député breton, qui siège à la commission des Finances, est une régulation « d’ordre géographique » pour tous les médecins (généralistes et spécialistes) et les chirurgiens-dentistes. Un « aménagement nécessaire au principe de liberté d’installation qui s’applique déjà aux officines », argumente-t-il dans l’exposé des motifs.
En clair, toute nouvelle installation devra être autorisée préalablement par l’agence régionale de santé (ARS) : si la résidence professionnelle principale du médecin est dans une zone sous-dense, l’autorisation est délivrée de droit ; dans le cas contraire, elle ne pourra l’être qu’à condition qu’un médecin de la même spécialité, exerçant dans la même zone, cesse son activité. Il s’agit donc de fait d’une forme de conventionnement sélectif. Une mesure qui fait écho à la proposition de loi transpartisane portée par le député socialiste mayennais Guillaume Garot et son groupe sur l'accès aux soins.
Un texte soutenu par les médecins de sa circo ?
S’il a écrit cette PPL pour les patients de sa circonscription, très inquiets sur l’accès aux généralistes, Corentin Le Fur assure que ce texte est aussi validé par les praticiens de son territoire. « Les médecins de chez moi me demandent la régulation, car ils sont terrorisés à l’idée de ne pas trouver de successeur et continuent à exercer parfois jusqu’à un âge avancé, pour ne pas laisser leurs patients sans médecin de famille dans la nature. Ils me disent que l’incitation ne suffit plus », assure-t-il.
Quid des maisons médicales et autres initiatives communales ? « Ça ne marche mais qu’en partie ! », répond le député, ajoutant que « le nombre de médecins n’a jamais été aussi grand, pourtant ils sont mal répartis et travaillent beaucoup moins que les générations d’avant, même si je comprends l’évolution de la société ».
Des LR divisés
Pour autant, ce texte ne fait pas l’unanimité au sein de la droite républicaine. Le Dr Yannick Neuder (LR), rapporteur général du budget de la Sécu et cardiologue, lui a dit tout le mal qu’il pensait de cette mesure. Et on imagine mal le Pr Philippe Juvin cosigner cette PPL directive… « Je salue leur travail, ce sont deux députés très conscients du problème. Les Drs Juniors d’une part et la fin du numerus clausus de l’autre, sont deux mesures qui vont dans le bon sens. Mais ça ne suffit pas. Je n’ai aucun plaisir à mettre fin à une liberté d’installation ancrée dans la culture médicale, mais la première liberté, en tant que patient, c’est d’avoir accès aux soins », argumente Corentin Le Fur.
Dans un second temps, le député précise qu’il ne veut pas s’opposer aux médecins. Mais selon lui, « cette PPL doit servir d’électrochoc ». En ce sens, il invite tous les parlementaires de sa famille politique à débattre. « S’il y a d’autres aménagements possibles permettant d’améliorer l’accès aux soins, allons-y », enjoint-il, indiquant qu’il n’hésitera pas à amender le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en ce sens.
Donner des moyens aux facultés
L’autre mesure portée par le texte de Corentin Le Fur est la suppression du numerus clausus, car selon lui, il a simplement été remplacé sémantiquement par un numerus apertus, basé sur les capacités d’accueils des facultés (mais sans changer la donne sur le fond). Pour former davantage de médecins et éviter leur renoncement ou leur expatriation à l’étranger, le député breton entend « donner les moyens aux universités d’accueillir chaque année un nombre d’étudiants sur la base des besoins des territoires », en concertation avec une commission d’élus du territoire et plus seulement les ARS et les facultés.
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