« Cette 28e université d’été de la CSMF débute à un moment charnière pour notre système de santé. Nous sommes confrontés à d’importants bouleversements… », a martelé le Dr Franck Devulder, le 23 septembre en ouverture du congrès annuel du syndicat qu’il préside.
Avant d’accueillir Thomas Fatôme, le directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam), sur ces mots : « vous avez un rôle crucial dans les négociations qui débuteront à l’automne. Donnons les moyens d’une convention dont nous serons fiers ! ». Le dirigeant de la Cnam a répondu à plusieurs cadres de la CSMF : les Dr Franck Devulder, Bruno Perrouty, Nadia Simon, Sylvain Le Liboux et Luc Duquesnel.
Qui réalisera les consultations de prévention gratuites à des âges clés de la vie ?
Annoncées la semaine dernière et inscrites dans le PLFSS 2023 présenté ce 26 septembre, les consultations de prévention gratuites à trois âges (25, 45 et 65 ans) interrogent les médecins sur les modalités de mises en œuvre.
➔ Thomas Fatôme : « Ces bilans de prévention, c’est évidemment une bonne nouvelle pour mettre en œuvre cette prévention dont on a vu pendant la crise qu’il faut la renforcer. L’Assurance maladie mettra son énergie, son savoir-faire, ce qu’elle a appris pendant le Covid sur le "aller vers" pour accompagner les assurés à faire ces bilans de prévention. Il y a un travail qui va s’engager, maintenant que le principe est posé, pour déterminer qui fait, comment et comment on réussit ce challenge aux différents âges de la vie. Les contenus ne vont pas être les mêmes. Il est évident que le médecin traitant a un rôle, mais on voit mal qu’il soit le seul à être un acteur de ces bilans de prévention ».
Quelle sera la prise en compte des travaux du Haut Conseil de la nomenclature dans la future convention ?
Alors que les négociations de la future convention vont démarrer cet automne, les travaux du Haut Conseil de la nomenclature sont en cours et ne seront pas terminés.
➔ Thomas Fatôme : « Je me félicite des travaux du Haut Conseil de la nomenclature. Un sujet va être assez redoutable : l’articulation de ces travaux, y compris calendaire entre les négociations conventionnelles et le travail du HCN. (…) Il est certain que nous aurons signé avant que la hiérarchisation aboutisse. Nous devrons trouver le moyen de faire des passerelles entre les deux ».
Parviendra-t-on à une simplification de la nomenclature ?
La complexité de la nomenclature est souvent pointée du doigt par certains syndicats dont la CSMF, estimant qu’elle entraîne un manque à gagner pour les médecins ne cotant pas tout ce qu’ils font. La CSMF plaide pour une hiérarchisation à quatre niveaux.
➔ Thomas Fatôme : « Je suis favorable à la simplification de la nomenclature (…). Mais ce n’est pas seulement un sujet de simplification, de hiérarchisation, c’est un sujet en lien avec un modèle économique des médecins et de gestion de patientèle. (…) Il faut que nous continuions à soutenir encore plus que d’autres, les spécialités cliniques de ce pays. Parce que les pédiatres, les psychiatres, et puis par ailleurs les médecins généralistes sont plutôt au niveau bas de l’échelle de rémunération de ce pays. Ces travaux autour de la nomenclature clinique, une des motivations est de continuer à soutenir les spécialités cliniques au sens large. (...)
Un médecin généraliste, il a des consultations simples et des consultations complexes, et 25 euros est une moyenne. Si demain, il n’a plus que des consultations compliquées, ce sera compliqué à 25 euros. On l’a intégré, on le comprend. En tirer les enseignements, dans une réflexion sur la nomenclature clinique et sur la construction des modèles tarifaires, c’est quelque chose qui nous parle. C’est là où on va sûrement aborder des sujets en lien avec « droits et devoirs » : que met-on en face en termes de prendre plus de patients ? »
Quelles évolutions pour les soins non programmés et les SAS ?
Alors qu’une majoration a été mise en œuvre pour les soins non programmés hors patientèle pendant l’été 2022, cette mesure pourrait-elle perdurer ? Cette majoration de 15 euros était limitée à 20 actes par semaine et conditionnée à une régulation par le 15 ou un SAS. Or rappelle le Dr Sylvaine Le Liboux, l’avenant 2 de l’ACI CPTS ne permet d’avoir le financement pour la cotation SNP qui si la CPTS dispose d’un SAS. Elle pointe qu’il est « irréaliste de demander à toutes les CPTS d’avoir un SAS immédiatement ».
➔ Thomas Fatôme : « Vous, les médecins généralistes, n’avez pas attendu le SAS pour faire des soins non programmés. Notre ambition est de redonner le maximum la capacité au médecin traitant et son équipe et donc au patient d’avoir le réflexe médecin traitant. (…) Il y a une énergie à mettre, des financements à mettre sur la construction de ces équipes auprès des médecins traitants pour que le patient ait cette réponse. Pas forcément toujours le médecin mais quelqu’un de son équipe. (…) C’est là où la régulation c’est clé.
Notre objectif n’est pas d’emmerder les CPTS qui se construisent pour accompagner la population. Notre but, c’est de vérifier qu’il y a une articulation avec un SAS et avec une régulation. Parce que je ne crois pas à des systèmes complètement éclatés, dans lesquels on aurait toute une série de régulations, de sous régulation… On va perdre les gens. Nous sommes en train d’accompagner le réseau pour trouver une voie de souplesse. (…) Il ne faut pas qu’on gaspille nos ressources, le temps médical disponible. Il faut qu’on utilise cette plateforme nationale, elle marche très bien. »
Des adaptations sont-elles prévues pour le cumul emploi-retraite ?
12 500 médecins exercent aujourd’hui en cumul emploi-retraite. Alors qu’un rapport du Hcaam préconise de maintenir en emploi les médecins au-delà de 65 ans, les médecins en cumul emploi rencontrent des freins financiers.
➔ Thomas Fatôme : « 12 500 médecins, c’est énorme et cela montre que ce dispositif fonctionne très bien. (…) C’est évidemment un enjeu important de maintenir en activité les médecins qui le souhaitent dans les territoires en difficulté au-delà de l’âge légal. Nous sommes prêts à regarder des leviers qui ne sont pas que des leviers liés aux retraites. (…) Pour créer des conditions un peu dérogatoires, nous faisons déjà des choses au niveau de l’Assurance maladie. Il y a déjà une panoplie assez significative. (…) À un moment ou un autre, ces règles de cumul seront discutées. Nous sommes prêts à en discuter, à partager avec le ministère un bilan précis de toutes les mesures et voir que les médecins exercent bien tous leurs droits en matière d’exonération de cotisation ».
Comment accompagner les médecins pour l’embauche d’assistants médicaux, le travail avec les IPA ?
Avec l’objectif de libérer du temps médical pour les médecins, plusieurs statuts ont été créés ces dernières années. Après la création du statut d’assistant médical en 2019, leur nombre peine à se développer. L’objectif des 4 000 embauches n’étant pas encore atteint.
➔ Thomas Fatôme : « Sur les assistants médicaux, nous avons partagé un bilan quantitatif plutôt très intéressant sur les conséquences que leur embauche pouvait avoir sur les patientèles, un bilan qualitatif montrant que les médecins qui avaient fait ce choix en disaient beaucoup de bien (…). Nous voulons aller beaucoup plus loin dans le déploiement. Nous sommes à 3 500, nous ne serons pas loin des 4 000. Mais le sujet n’est pas de s’arrêter là et de passer à l’échelle. Et donc d’ouvrir tous les sujets qui bloquent dans le recours aux assistants médicaux : le zonage, le niveau de l’aide, la durée, les objectifs… Parce que nous avons la conviction que ça marche. Nous savons qu’il y a aussi des sujets qui ne sont pas de notre ressort, sur les locaux, la formation… (…) Sur la peur de l’embauche, nous ferons des propositions pour diminuer cette crainte.
Sur les IPA, nous avons essayé d’avancer sur un modèle économique qui ne marche pas bien aujourd’hui. Il faut trouver un modèle économique plus favorable, plus simple, plus organiser mais qui ne peut marcher que sur les médecins adressent des patients. Notre vision est construite autour du médecin traitant. Mais il ne faut pas qu’on se trompe d’objectif. Il est clair que les IPA sont une profession qui a de l’avenir. Que ce soient les infirmiers libéraux, les infirmiers asalée, les IPA… il faut trouver les moyens de coopération renforcée, d’organisation entre infirmiers et médecins, c’est majeur. Il y a de la place pour tous les modes d’exercice, il ne s’agit d’en imposer un ».
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