Sa visite était incertaine jusqu'à ce matin mais Agnès Buzyn s'est finalement rendue au congrès de la médecine d'urgence ce jeudi à Paris. Très attendue dans un contexte marqué par les mouvements sociaux à l'hôpital, la ministre de la Santé a annoncé le lancement d'une mission de « refondation » des services d'urgences et un soutien financier aux établissements « qui font face à un surcroît d’activité et à des afflux exceptionnels ».
Propositions attendues en novembre
Entre deux séances d'examen de la loi de transformation du système de santé au Sénat, la ministre a assuré devant les congressistes avoir conscience des difficultés rencontrées par les professionnels depuis de nombreux mois. « Les urgences sont en détresse, je le sais », a déclaré Agnès Buzyn. Consciente de la « colère » et du « découragement » de la profession, la ministre a expliqué vouloir construire « une stratégie d'ensemble pour les urgences » en confiant une mission au président du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH) le Pr Pierre Carli et au député-médecin urgentiste Thomas Mesnier (LREM), déjà auteur d'un rapport sur la prise en charge des soins non programmés.
A l'issue d'une concertation incluant médecins et paramédicaux, la mission devra remettre à l'automne un rapport comprenant « des propositions concrètes », selon un communiqué du ministère. Il s'agira « d'identifier les travaux complémentaires à mener » en termes « d'information et de responsabilisation de la population sur ses demandes de soins » ou « d'articulation des services d’urgences » avec les médecins libéraux. Concernant le soutien financier aux services en difficulté, aucun chiffre n'a été avancé ce matin par la ministre. Elle s'en remet pour cela aux agences régionales de santé (ARS), qui devront orienter des crédits spécifiques vers les services concernés, mais aussi « engager des travaux de rénovation architecturale des urgences qui le nécessitent ».
Prime de risque de 100 €
En réponse au mécontentement des personnels paramédicaux exposés à des « conditions de travail difficiles » voire à des « agressions », la ministre s'est engagée à inciter les hôpitaux à « mobiliser plus largement » et de manière plus homogène une prime de risque de près de 100 euros brut par mois qui n'est pas encore en place dans tous les établissements. Le collectif Inter-Urgences réclame, lui, 300 euros net de hausses salariales et des augmentations d'effectifs. Elle a aussi promis l'instauration d'une prime de coopération pour les soignants à qui les médecins délégueront certaines tâches dans le cadre de protocoles afin de réduire l'attente aux urgences.
À la suite de la visite de la ministre, les représentants de la médecine d'urgence, se sont exprimés lors du congrès. Les annonces semblent avoir convaincu les organisateurs. « Agnès Buzyn entend le message de la profession et partage les constats, il faut désormais mettre en œuvre ces solutions sans tarder », a réagi la présidente de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) Dr Agnès Ricard-Hibon. « Difficile de ne pas être satisfait d'une refonte globale du système des urgences », avoue le Dr François Braun, président du syndicat Samu-Urgences de France. Le Pr Pierre Carli, également présent, a affirmé : « La profession attend des solutions pour passer un cap et celui de l'été nous inquiète particulièrement ».
Renforcer la régulation et la permanence des soins
Les organisations d'urgentistes demandent donc que les médecins urgentistes puissent se recentrer sur leur cœur de métier. En d'autres termes que la ville reprenne en charge les patients qui ne nécessitent pas forcément de passage à l'hôpital. Pour cela, le Dr Braun plaide pour un renforcement de la régulation en amont. « Notre mot d'ordre : avant de vous déplacer, appelez », martèle le président de Samu-Urgences de France. Interrogé sur la nécessité de remettre en place l'obligation de participation à la permanence des soins pour les généralistes libéraux afin de désengorger les urgences, l'urgentiste de Metz ne s'est pas caché, il ne s'y opposerait pas. « Même si je ne vois aucune mauvaise volonté chez les médecins libéraux » a-t-il tempéré.
Si les annonces de la ministre ont été saluées au congrès, une manifestation était organisée en marge de celui-ci à Paris. Quelque 300 personnes, dont une majorité d'infirmiers, se sont rassemblées dans le quartier Montparnasse (voir photos ci-dessous) pour dénoncer leurs conditions de travail. Reste à savoir si les annonces calmeront les tensions sur le terrain, dans les 80 services d'urgences en grève depuis le mois de mars.
Crédit photo infirmiers.com/B.Fabregas
Après deux burn-out, une chirurgienne décide de retourner la situation
La méthode de la Mutualité pour stopper 2,4 milliards d’euros de fraude sociale
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
À la mémoire de notre consœur et amie