Le Généraliste : L’Ordre a manifesté son inquiétude vis-à-vis de récents projets de loi. Quels sont les risques qu’ils font peser sur les médecins ?
Dr Patrick Bouet : Sur le projet de loi santé nous avons été mobilisés contre l’hyperadministration de l’organisation des soins et les incertitudes sur la démocratie sanitaire dans les territoires et les contre-pouvoirs décisionnels au sein des ARS. Malgré les évolutions du texte, tout ceci nous paraît encore poser des questions de fond sur la place des professionnels et leur capacité à rester maîtres d’œuvre de leur exercice. La réécriture de l’article 12 ne suffit pas à répondre à nos inquiétudes mais lève seulement des incertitudes sur les initiatives de territoire. Il est ainsi important que la loi prenne en compte l’initiative des professionnels comme un des moteurs de l’organisation des soins dans les régions. Mais le problème de la gouvernance des ARS persiste et, avec les 13 futures super-régions, les iniquités d’accès aux soins risquent d’être majorées.
Quant au texte sur le renseignement, nous sommes encore en attente d’une rencontre avec le ministre de l’Intérieur pour en discuter. Nous n’en contestons pas la légitimité, mais nous sommes doublement inquiets. Les conditions de l’écoute potentielle des professionnels de santé, en cas d’urgence, devraient être garanties de la même façon que pour les journalistes ou les avocats. La surveillance des hébergeurs de données de santé pourrait créer des situations où des informations personnelles sans rapport avec l’objet de la surveillance échappent à la protection des données.
Le crash de l’avion A320 aussi a suscité un vif débat sur le secret médical...
Dr P. B. Le secret médical n’a pas été fait pour protéger les médecins mais les patients et restera toujours le fondement de la confiance dans la relation thérapeutique. Nous sommes très vigilants sur ce sujet et nous avons déjà dit qu’empiler des dérogations dénaturerait le principe même du secret. Étudions plutôt les conditions dans lesquelles il pourrait être partagé entre professionnels de santé, voire avec d’autres acteurs du monde médico-social. Dans cette affaire, la dangerosité potentielle du sujet était connue de professionnels de santé et le risque immédiat pour les personnes pouvait être invoqué. Les conditions étaient donc réunies pour pouvoir faire l’objet d’un signalement permettant de régler les situations de danger impérieux et immédiat. Nous essayons de construire un système dans lequel le professionnel de santé ne serait pas amené à donner des éléments de nature médicale. Si l’autorité demande des explications sur la situation médicale de l’individu, on bascule alors dans la violation du secret médical.
La future Conférence nationale de santé répond-elle à votre souhait de Grenelle de la santé ?
Dr P. B. Oui et non. Non, parce que ce n’est pas la chronologie que nous attendions. Nous souhaitions que l’examen de la loi soit reporté de six mois afin de voir, au cours d’un Grenelle, ce qui pouvait être retenu, amélioré ou retranché. Toutefois, la proposition du gouvernement de réunir l’ensemble des partenaires dans une grande réflexion collective sur le système de santé français va dans le bon sens, à la condition qu’il ne s’agisse pas d’une « Stratégie nationale de santé bis ». Il faut des objectifs : la Stratégie a posé un diagnostic, cette Conférence doit être un acte thérapeutique et proposer des solutions pragmatiques, partagées entre les professionnels, les usagers, les collectivités et le politique. Il est important de recréer de la confiance entre les médecins, la société, et le monde politique.
Faudra-t-il aborder aussi la PDS ou les violences aux médecins, sur lesquelles l’Ordre a publié deux rapports inquiétants ?
Dr P. B. La Conférence devra parler de la problématique des territoires, de leur attractivité, et pas seulement de la démographie. Cela doit être le cœur de la réflexion sur l’organisation des soins. Nous voulons travailler à des coopérations inter- et intra-professionnelles, aux complémentarités entre les différents secteurs de soins. Il faut savoir si ce qui est important est la permanence des soins ou la continuité des soins. Ce n’est pas la même chose. L’enjeu de la continuité des soins est majeur pour la décennie qui vient. La Conférence doit être centrée sur la réponse aux besoins des territoires, des usagers et des professionnels de santé.
Vaccination, soutien aux soignants, IVG : le pape François et la santé, un engagement parfois polémique
« Je fais mon travail de médecin » : en grève de la faim, le Dr Pascal André veut alerter sur la situation à Gaza
Après deux burn-out, une chirurgienne décide de retourner la situation
La méthode de la Mutualité pour stopper 2,4 milliards d’euros de fraude sociale