Après plus de trois ans d’âpres négociations, les États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont adopté ce 20 mai, à l’occasion de l’Assemblée mondiale de la santé, l’accord international sur la prévention et la lutte contre les pandémies. Le texte complète le Règlement sanitaire international, mis à jour en 2024.
« C'est un jour historique », a salué le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Cet accord est une victoire pour la santé publique, la science et l'action multilatérale. Il nous permettra, collectivement, de mieux protéger le monde contre les futures menaces de pandémie », explique-t-il dans un communiqué.
« L’adoption de ce traité réaffirme la détermination des Etats à apporter une réponse internationale aux crises. Elle confirme la confiance de la communauté internationale envers l’OMS, dans un contexte de fragilisation du multilatéralisme en santé », a commenté la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin.
Engagées en décembre 2021, à la suite des dysfonctionnements de la réponse mondiale à la pandémie de Covid, notamment sur l’accès aux vaccins, les discussions ont été marquées par l’annonce du retrait des États-Unis de l’OMS et ses coupes drastiques dans l'aide internationale. La résolution portant sur l'accord a d’abord été adoptée en commission dans la soirée du 19 mai par 124 voix pour et aucune voix contre. Plusieurs pays se sont abstenus, notamment l'Iran, Israël, la Russie, l'Italie, la Slovaquie et la Pologne.
Un mécanisme « d'accès aux pathogènes et de partage des avantages » encore à affiner
Les négociations ont longtemps buté sur la question centrale du partage équitable des pathogènes émergents et des bénéfices qui découlent de leur exploitation (tests et vaccins principalement). Malgré les obstacles, les États membres sont parvenus à s’entendre sur un nouveau mécanisme « d'accès aux pathogènes et de partage des avantages » (PABS en anglais). Considéré comme une pièce maîtresse du texte, ce mécanisme doit permettre « un partage très rapide et systématique des informations sur l'émergence de pathogènes à potentiel pandémique », explique l'ambassadrice française pour la santé mondiale, Anne-Claire Amprou, qui a co-présidé les négociations.
Selon l’accord, chaque fabricant qui accepte de participer à ce mécanisme devra rapidement mettre à disposition de l'OMS une partie de sa production de produits de santé liés à une pandémie, avec un objectif de 20 % dont au moins 10 % sous forme de dons et le reste à des « prix abordables ». La participation des entreprises sera volontaire, et ce, que leur siège se trouve dans un pays membre de l'OMS ou pas.
Les modalités pratiques de ce mécanisme doivent encore être négociées et détaillées dans une annexe technique. « De nombreux défis restent à relever », a réagi lors d’une conférence de presse l’ancienne Première ministre de la Nouvelle-Zélande, Helen Clark, co-présidente du Panel indépendant d’experts chargé par l’OMS d’évaluer la réponse à la pandémie, dont le rapport en 2021 a lancé les discussions. « Idéalement », le processus devrait aboutir pour la prochaine Assemblée mondiale « dans un an », poursuit-elle. « Tout nouveau retard serait dommageable ». Une fois un consensus trouvé sur le PABS, l’accord pourra être ratifié par les États membres, sachant que 60 ratifications sont nécessaires pour que le traité entre en vigueur.
Pour la première fois, la mention « One Health » dans un traité international
Autre avancée, l’accord est le premier texte international à mentionner la notion de « One Health », une approche liant santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes. « Quand on sait que 60 % des maladies émergentes sont causées par des zoonoses, donc des pathogènes qui se transmettent de l'animal à l'homme, c'est évidemment important », souligne Anne-Claire Amprou.
L’accord encourage aussi l'investissement dans les capacités de prévention et de surveillance et dans les systèmes de santé afin que les pays disposent de ressources humaines suffisantes et d'autorités nationales de réglementation solides. « Un mécanisme de coordination des financements est prévu pour accompagner les pays, notamment ceux en voie de développement », précise Anne-Claire Amprou.
Les pays sont invités à prendre des mesures pour assurer une répartition géographique plus équitable et un accroissement rapide de la production mondiale de produits de santé liés aux pandémies. Ce volet de l’accord réclame une organisation régionale, selon la Dr Mariângela Simão, vice-ministre de la surveillance sanitaire et de l'environnement au sein du ministère de la Santé du Brésil, car « tous les pays ne pourront pas produire ».
Le transfert de technologies, un point de crispation
Le texte entend élargir l'accès aux produits de santé en établissant un réseau mondial de chaîne d'approvisionnement et de logistique (le réseau Gsell). Ce réseau doit être mis en place, coordonné et convoqué par l'OMS en partenariat avec les parties prenantes concernées. Sa structure et son fonctionnement restent à définir.
Dernier point central du texte, le transfert de technologies pour la production de produits de santé liés aux pandémies, en particulier au profit des pays en développement, a été l'un des plus discutés. Certains pays – notamment des producteurs – ont refusé toute obligation de transfert de technologies. L'accord parle ainsi de transfert « convenu d'un commun accord ».
Saluant la « détermination » des États membres à mener des « négociations difficiles mais cruciales », Helen Clark les invite à considérer « cet accord comme une base sur laquelle bâtir, dès aujourd'hui ». « De nombreuses lacunes subsistent en matière de financement, d'accès équitable aux contre-mesures médicales et de compréhension de l'évolution des risques. N'attendez pas pour agir. Des agents pathogènes dangereux menacent, et ils n'attendront certainement pas. »
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