Politique de santé

L'AME, sujet de crispations du projet de loi immigration

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Publié le 30/05/2023
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L'aide médicale d'État est l'un des sujets dont le gouvernement s'est dit prêt à discuter avec Les Républicains dans le cadre du futur projet de loi immigration. Celle-ci présente des « enjeux de santé publique », a mis en garde dimanche 28 mai le ministre de la Santé. Pour lui, pas question de toucher à l'AME.

Crédit photo : GARO/PHANIE

C’est un texte qui fait couler beaucoup d’encre. Le projet de loi immigration, porté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, est au cœur de pourparlers avec le groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée. Ce dernier a d’ailleurs élaboré deux propositions de loi. Le gouvernement n’ayant pas de majorité absolue, il a besoin d’autres forces politiques pour voter son texte. Problème : LR reproche au gouvernement de ne pas vouloir aller assez loin, notamment au sujet de l’aide médicale d’État (AME), permettant aux étrangers sur le territoire depuis au moins trois mois d’être soignés gratuitement.

La droite sénatoriale avait, fin mars, en commission des lois, fait remplacer l’AME par « une aide médicale d’urgence (AMU), centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre ». L’examen du texte en séance publique avait ensuite été reporté par le gouvernement. Le groupe présidé par Olivier Marleix au Palais Bourbon est sur la même ligne : il veut restreindre l’AME aux soins urgents, argumentant qu’elle coûte plus d’un milliard d’euros au budget de l’État.

Pourtant, en 2019, l’étude « Premiers pas » de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) et l’université de Bordeaux avait montré que seuls 51 % des migrants éligibles au dispositif en profitent. Les difficultés d’obtention de la carte sont souvent citées comme raison première à ce non-recours.

0,5 % du budget de la Sécu

Réponse de François Braun aux propositions des LR sur le plateau du Grand jury RTL/LCI/Le Figaro dimanche 28 mai : « ça veut dire quoi l’urgence, ça veut dire combien de temps ? » avant de préciser que « l'AME ne pèse que 0,5 % du budget de la Sécu » et « refuser de soigner un étranger avec une infection fait courir le risque qu'il la transmette à d’autres ».

Le ministre a souligné la complexité du sujet : « est-ce qu'on va soigner un diabète déséquilibré car c'est urgent, et ensuite le laisser sans surveillance, au risque qu'il se déséquilibre à nouveau ? » ou encore si « un nouveau Covid arrive chez des gens qui pourraient bénéficier de l'aide médicale d'État, on ne va pas les traiter (...) et on va laisser la maladie se développer ? Il faut une vision globale de santé publique », a-t-il insisté.

En revanche, a reconnu François Braun, « il est anormal qu'il y ait des filières pour venir faire en France des soins qui peuvent être faits dans les pays d’origine ». Ce dernier a promis de « regarder quels pays cela concerne et s'ils disposent des moyens de soins ».

Désaccords au sein du gouvernement

Plus tôt, le 27 mai, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’était questionné, dans un entretien à nos confrères du Parisien : « Faut-il discuter des modalités de l’aide médicale d’État ? La réponse est oui. »

Ce à quoi le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a répondu trois jours plus tard dans le même journal : « La vraie priorité, c’est la lutte contre l’immigration illégale. Si on y arrive, la question de l’AME deviendra secondaire. » Avant de relater les propos qui lui sont rapportés par les professionnels de santé : « en plus de conserver les valeurs humanistes de la France, ils disent que pour des enjeux de sécurité sanitaire pour les Français il faut garder un système qui soigne ces personnes présentes sur notre sol. »

Ces propos rejoignent ceux d’Olivier Véran, qui avait expliqué sur France Inter être « contre (la suppression de l’AME, ndlr), parce que la non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de l’ADN de notre nation et encore moins des blouses blanches ».

Un « passeport talent » pour les soignants

Autre sujet sur la table : l'extension aux professions de santé du « passeport talent », jusque-là réservé aux chercheurs étrangers ayant un contrat avec une unité de recherche en France. François Braun a indiqué avoir « travaillé » avec Gérald Darmanin sur cette proposition. « Je souhaite l'étendre dans un premier temps aux métiers (comme) les médecins, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les sages-femmes parce que c'est là que nous avons le manque le plus criant de professionnels », a-t-il expliqué.

La condition serait « un contrat avec un établissement » de santé, qui leur permettrait de venir en France et leur donnerait « 13 mois pour leur laisser le temps de passer l'examen de validation des connaissances ». La réussite à cet examen donnerait « un titre de séjour de quatre ans » qui leur permettrait « de faire venir leurs familles », a développé le ministre. Ensuite, « on verra s’ils peuvent demander la nationalité française », a expliqué François Braun, tout en mettant en garde de « ne pas vider les autres pays de leurs forces médicales, si l'on ne veut pas que leurs populations viennent ensuite se faire soigner en France. Il y a un équilibre à trouver. »

Ces dispositions rejoignent celles de la PPL Valletoux, laquelle sera examinée à l’Assemblée la semaine du 12 juin prochain.


Source : lequotidiendumedecin.fr