À défaut de remède miracle pour guérir les services d'urgences en souffrance, les mesures annoncées jeudi 6 juin par Agnès Buzyn ont eu le mérite d'apporter un peu de baume sur les blessures du secteur.
Occupée jour et nuit par l'examen du projet de loi de santé au Sénat, la ministre de la Santé a précipité ses annonces au regard de la grogne grandissante des paramédicaux et des médecins urgentistes. La semaine dernière, 80 services étaient en grève sur 641 (12 %), selon le collectif Inter-Urgences. Après une manifestation de 200 personnes jeudi dernier à Paris, les syndicats de personnels remettent le couvert aujourd'hui. « J'entends votre colère et à l'évidence je la comprends », a assuré la ministre au grand congrès des urgences, à Paris, qui a accueilli 4 000 participants.
Double prime pour les paramédicaux
La locataire de Ségur recevra les urgentistes dès la mi-juin pour préparer la période estivale, « souvent critique pour les services d'urgences ». Dans l'intervalle, elle a égrené plusieurs mesures pour parer au plus pressé.
La ministre a promis « l'homogénéisation » de la prime individuelle de risque pour le personnel paramédical. Créée en 2000 pour les soignants des services psychiatriques et du milieu carcéral, cette subvention de 97,69 euros brut par mois est inégalement et/ou partiellement perçue. Cette aide sera « mobilisée partout où cela est justifié », a insisté la ministre. Le collectif Inter-Urgences réclamait de son côté... 300 euros net de hausses salariales et des augmentations d’effectifs.
En parallèle, Agnès Buzyn a promis une « nouvelle prime de coopération », toujours à l'intention des paramédicaux. Son montant pourrait avoisiner 100 euros. Le principe : grâce aux nouveaux protocoles de coopération prévus dans la loi de santé, « les médecins peuvent déléguer aux paramédicaux de leurs équipes des tâches qui leur étaient jusque-là réservées ». Cette « opportunité nouvelle [est] porteuse de solutions de fond pour fluidifier les prises en charge », a plaidé Agnès Buzyn.
Plus largement, Agnès Buzyn a assuré que chaque agence régionale de santé (ARS) apporterait son « soutien aux hôpitaux qui traversent des épisodes de tension ». Cette ambition se concrétisera par un « fléchage » de crédits hospitaliers spécifiques à attribuer en cas d'augmentation « très importante » de l'activité dans les services d'urgences. Des « travaux de rénovation architecturale » seront engagés là où les besoins se font sentir. « L'image de services avec des peintures défraîchies ou en lambeaux, je n'en veux plus », lancé la ministre.
Enfin, Agnès Buzyn a confié une mission nationale de « refondation » des urgences au Pr Pierre Carli (président du Conseil national de l'urgence hospitalière) et au député (LREM) Thomas Mesnier. Leur rapport est attendu en novembre 2019.
Entre optimisme et incrédulité
La présence et le discours de l'hématologue ont été plutôt appréciés des urgentistes. « Elle a annoncé des mesures concrètes à court, moyen et long terme qui vont dans le bon sens et nous donne de l'optimisme », s'est félicitée le Dr Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d'urgence (SFMU). Le Dr François Braun, président de SAMU-Urgences de France, s'est montré « très intéressé » par la nouvelle prime de coopération, « une piste d'avenir tout à fait nouvelle ». « Il s'agira pour l'urgentiste de déléguer des tâches chronophages dont la plus-value médicale est limitée, comme les sutures simples. Nous allons définir une liste d'actes de ce type. » « Les solutions proposées par la ministre pourraient nous permettre de passer le cap de l'été, qui nous inquiète », s'est réjoui le Pr Carli. Mais cet enthousiasme n'est pas partagé. « Le gouvernement ne mesure pas l'ampleur de la contestation », a jugé le Dr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF).
Parfois jugée désorganisée ou défaillante, la médecine de ville n'a pas été épargnée par les différents intervenants. Face aux urgentistes, Agnès Buzyn a relevé que « faute de médecins près de chez eux, nos concitoyens ont pris le réflexe de se tourner vers les urgences pour des situations qui ne le justifient pas ». « Le système d'urgences remplace par glissement ce qui a disparu ou ce qui ne fonctionne plus », a aussi analysé le Pr Carli, faussement sibyllin. Interrogé sur un retour de l'obligation de gardes pour les libéraux, le Dr François Braun s'est dit « pas contre »...
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