Banquier, c’est dépassé, soyez donc infirmiers ! La proposition, formulée le mois dernier par le secteur bancaire belge lui-même, a de quoi surprendre. De fait, elle a surpris, a fortiori au sein des hôpitaux. Troquer la cravate pour la blouse blanche, c’est pourtant bien le défi adressé par leurs employeurs aux banquiers du royaume, jugés trop nombreux…
Un accord-cadre a ainsi été signé en décembre entre la Fédération belge du secteur financier (Febelfin) et le secteur de la santé. Objectif : opérer un transfert d’employés d’un secteur vers l’autre, pour ajuster leurs effectifs respectifs.
Pas de nouveaux diplômés en 2019
Ce partenariat, qui mise sur la logique des vases communicants, se veut gagnant-gagnant. D’abord, pour les banques, confrontées depuis plus de 20 ans à un sureffectif structurel. « La digitalisation du secteur bancaire a fortement modifié les besoins en ressources humaines », explique Rodolphe de Pierpont, porte-parole de la Febelfin. Les services on line ont remplacé guichets, les agences physiques ferment, Résultat, depuis 20 ans, les effectifs, d’environ 55 000 aujourd’hui, fondent en moyenne de 2 % par an. « Concrètement, plus de digital signifie moins d’emplois, et la tendance devrait s’accentuer ces prochaines années ». Pousser les salariés vers la réorientation professionnelle est une manière pour les banques de gérer cette baisse à moindre frais, social et financier.
Dans le même temps, chez les soignants, la pénurie semble s'accentuer. La Belgique peine à recruter et, surtout, à fidéliser infirmiers et aides-soignants. Beaucoup d’hôpitaux recourent, d’ores et déjà, massivement à l’intérim et à la main-d’œuvre étrangère, notamment roumaine et tunisienne. En 2019, la situation sera d’ailleurs critique. Décidé en 2016, l’allongement des études d’infirmiers, de 3 à 4 ans, va limiter les nouvelles recrues dans les hôpitaux : les diplômés de 2019 ne le seront qu’en 2020, générant une année quasi blanche en matière de nouveaux entrants dans le marché du travail. La Belgique compte aujourd’hui quelque 195 000 infirmiers.
Fidéliser les infirmiers plutôt qu’en recruter de nouveau
Se pose cependant la question de la formation. « Nous ne sommes pas hostiles à ce plan mais la condition sine qua non est celle-ci : les candidats devront suivre la formation classique, en 4 ans, car on ne s’improvise pas soignant », souligne Jacques de Toeuf, vice-président de l’Association belge des syndicats médicaux (ABSyM). Quant au calendrier, il paraît « optimiste ». Pas sûr, en effet, que le Fonds Intersectoriel des Services de Santé, chargé de piloter la formation, puisse bâtir un dispositif censé être opérationnel dès septembre prochain.
De leur côté, les infirmiers grincent des dents, regrettant le manque de concertation et une vision biaisée de leur problématique. « Nous avons appris l’existence de ce plan dans la presse. Le minimum aurait été de nous consulter », note ainsi Delphine Haulotte, présidente de l’Association belge des praticiens de l’art infirmier. « Nous sommes doublement perplexes », explique-t-elle.
« D’abord, parce que c’est un métier de vocation. Il faut aimer l’humain, la psychologie, la technique. Laisser penser que c’est donné à tout le monde dévalorise notre travail ». Ensuite, car l’idée de pénurie ne serait qu’une lecture trompeuse de la réalité. « Le vrai problème est celui des départs précoces. Les piètres conditions de travail poussent 20 à 25 % des infirmiers à quitter l’hôpital dans les 5 premières années d’exercice ».
Les infirmiers plaident ainsi pour une augmentation du nombre d’encadrants, fixé aujourd’hui à 12 équivalents temps plein pour 30 lits.
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