Les relations entre le gouvernement et les médecins ne sont pas près de retrouver un cours apaisé. Après des tensions depuis le règlement arbitral, la loi Rist ouvrant dans certaines conditions l’accès direct aux IPA, et les débats autour de la PPL Valletoux, c’est maintenant le ministre de l’Économie et des Finances qui vient de se mettre les praticiens libéraux à dos. Ou, à tout le moins, deux de leurs principaux représentants syndicaux.
Dans le collimateur des chefs de file respectifs de MG-France et de la CSMF, l’annonce par Bruno Le Maire, après les Assises des finances publiques lundi, d’une intensification de la chasse aux gros prescripteurs d’arrêts de travail pour contribuer au redressement des comptes publics d’ici à 2027. Bercy voit dans cette traque aux « arrêts de complaisance », l’occasion de puiser une partie des dix milliards d’euros nécessaires pour renflouer les caisses de l’État et surtout respecter l’équilibre budgétaire exigé par Bruxelles.
MG-France et la CSMF sur la même longueur d’onde
C’est la Dr Agnès Giannotti qui a, la première, soufflé le vent de la révolte sur France info ce lundi. « Des dérives sur les indemnités journalières, il y en a, mais très peu chez les médecins traitants, 1 à 2 %. Mais il y en a beaucoup sur les plateformes de téléconsultation. Qui a dérégulé ? C'est l'État. Qui a mis les plateformes en accès direct sur "Mon espace santé"? C'est l'État. Pointer les médecins généralistes traitants c'est absolument scandaleux. Les besoins de soins augmentent, la population vieillit, l'âge de la retraite est repoussé, donc un politique responsable anticipe ces dépenses qui augmentent », a tonné, particulièrement remontée, la présidente de MG-France, qui voit dans les propos du ministre « une véritable campagne d'intimidation pour qu'on n'arrête plus les gens qui ont besoin d'être arrêtés ».
Ce mardi, c’était au tour du Dr Luc Duquesnel de dénoncer, également sur France Info de la « maltraitance vis-à-vis des médecins de famille (…) Mettre cette pression sur les médecins traitants, c’est scandaleux (…). Le ressenti, c’est qu’on est considéré comme des fraudeurs. 13 % des médecins généralistes sont considérés comme des fraudeurs par la Cnam », regrette le président de la branche généraliste de la CSMF.
Mise sous objectif versus mise sous accord préalable
Il n’empêche, l’évolution à la hausse du nombre des indemnités journalières (IJ) est bien réelle. Selon la Cour des comptes, l'augmentation des IJ d'arrêt de travail hors Covid, s'élevait à 8,1 % pour l'année 2022. Et la traque aux prescripteurs a commencé. La Cnam a annoncé, ce mois de juin, le lancement d’une nouvelle campagne de contrôle ciblant les gros prescripteurs ainsi que leur mise d'autorité sous objectif (MSO). Pour l'heure, 1 000 médecins sont ciblés, 5 000 ont été contactés et 15 000 sont sous surveillance.
Message des deux présidents de syndicat aux praticiens : refusez la MSO, « par contre demandez une mise sous accord préalable », indique le Dr Duquesnel. Ce refus de la mise sous objectif est partagé par la Dr Giannotti, qui contre-attaque : « Nous allons demander que les médecins-conseils de la Sécurité sociale viennent contrôler chacun de nos arrêts maladie et on verra bien s'ils les trouvent de complaisance. Mais on veut aussi qu'ils le fassent pour les plateformes de téléconsultation. »
Échos à l'Assemblée nationale
Ces mises en garde syndicales ont trouvé ce mardi un écho à l'Assemblée nationale. Les oppositions ont dénoncé les choix « comptables » du gouvernement pour réduire les dépenses de santé, augurant de débats agités sur le budget de la Sécu 2024 cet automne. La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a déploré « une énième brutalité et maltraitance sociale », lors du point presse hebdomadaire de son groupe à l'Assemblée. « La question des arrêts maladie (...) c'est de nouveau la fraude sociale qu'on essaierait de nous vendre pour mieux cacher la fraude fiscale notamment. C'est inacceptable » a-t-elle dit.
La porte-parole du groupe PS Christine Pires Beaune trouve, elle, « particulièrement déplorable que l'on mette en avant une minorité de médecins » qui signeraient des arrêts de travail abusifs. « Quand on a des arrêts de travail qui explosent, comme c'est le cas notamment depuis le Covid, il faut s'interroger, a-t-elle estimé. J'aimerais qu'on ait une analyse des arrêts de travail. »
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