« Le dépistage du cancer de la prostate, cela ne doit pas être automatique », suggère l’assurance maladie, l’Institut national du Cancer et le Collège de la médecine générale. La portée du message risque toutefois d’être brouillée par l’absence au sein de ce trio de l’Association française d’urologie (AFU).
En attendant d’être relayée par les urologues, la campagne d’informations vise en premier lieu les médecins généralistes, et surtout la première prescription du PSA. Dispose-t-on d’arguments scientifiques pour justifier le dosage du PSA chez les hommes asymptomatiques ? Certes avec près de 57 000 nouveaux cas par an, le cancer de la prostate est en France le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il totalise à lui seul 28 % des cas de cancers. Et se classe au troisième rang en termes de mortalité par cancer chez l’homme. En dépit de cette forte incidence, aucune étude n’avance d’argument décisif sur le bénéfice du dosage du PSA sur le critère de la mortalité, assène l’assurance maladie.
Aucune preuve de bénéfice dans aucun pays
Cette position n’est en rien pour une fois une exception française. « Aucune autorité sanitaire dans le monde n’a rendu d’avis favorable au déploiement d’un programme de dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA », martèlent encore les experts de la Caisse nationale d’assurance maladie. En dépit de cette absence de preuves, les médecins généralistes continuent à prescrire ce dosage fréquemment, même si l’on observe une légère baisse. Selon les résultats d’une étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 22 mars 2016 et réalisée par l’assurance maladie, 62 % des hommes âgés de 50 à 69 ans et 68 % des plus de 75 ans ont bénéficié d’un dosage du PSA entre 2012 et 2014. En 2009, 30 % des hommes âgés de 40 ans et plus avaient réalisé un dosage de PSA. Ce pourcentage avait légèrement fléchi à 27 % cinq ans plus tard. Au cours de la même période, le nombre de biopsies a diminué, passant de 60 356 à 44 355 (0,57% à 0,38 %). En revanche, le nombre de cancer diagnostiqués reste stable.
Une pratique répandue
Entre temps la publication de deux vastes essais américain et européen aux résultats contradictoires n’avaient pas permis de conclure. Le dépistage individuel s’est donc imposé comme une pratique largement diffusée. Il est associé dans 95 % des cas à neuf autres dosages comme la glycémie, la créatinémie ou le dosage des lipides. Ce « succès » est le résultat de multiples facteurs. Il est ainsi réclamé par le patient ou son entourage. Dans d’autres cas, il sera demandé par le médecin. Même s’il n’y a pas de bénéfice sur le critère de survie, pourquoi alors freiner le recours au dosage de PSA s’il permet de diagnostiquer et de traiter un plus grand nombre de cas ? Deux arguments à ce stade sont avancés, celui du surdiagnostic et du surtraitement. Ce cancer en premier lieu évolue le plus souvent lentement sur dix à quinze ans. L’âge médian au décès est de 83 ans. Ce temps long favorise le surdiagnostic qui varie de 30 à 50 % des cancers de la prostate dépistés selon les études. En l’absence de prise en charge, l’espérance de vie de ces patients n’aurait en rien été modifiée. En revanche, le traitement influe négativement sur la qualité de vie. 50 % des patients traités pour un cancer de la prostate présentent une ou plusieurs complications. 35 % d’entre eux se plaignent de troubles de l’érection, 21 % d’une incontinence urinaire. Avant de demander ou de prescrire un test, l’enjeu sera de partager ces informations entre le médecin et le patient. Cet espace de dialogue sera-t-il suffisant pour atténuer la peur du cancer ?
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