Un podcast peut être un outil efficace d’apprentissage de la médecine : c’est ce que montre une étude conduite autour du Serment d’Augusta. Imaginé et écrit par Olympe de Gê (réalisatrice) et le Pr Emmanuel Flamand-Roze (neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et chercheur à Sorbonne Université et à l’Institut du cerveau), ce podcast qui parle des humanités médicales est proposé en option aux étudiants de la faculté de Santé de Sorbonne Université, de la deuxième à la cinquième année, puis obligatoirement en sixième. Il tient son nom d’Augusta Klumpke (1858-1927), chercheuse en neurologie et première femme reçue au concours de l’internat des hôpitaux de Paris.
Dans les six premiers épisodes, le Serment aborde les biais de représentations des professionnels de santé (autour de l’obésité, en l’occurrence) ; la solidarité interprofessionnelle ; le consentement aux soins (en prenant l’exemple des violences gynécologiques) ; la santé mentale des soignants ; la vérité scientifique et les fakemed ; et les patients invisibilisés, comme les prisonniers. Les suivants portent sur les troubles fonctionnels, le racisme médical, l’annonce d’un diagnostic. À noter, il est sans publicité.
Réponses de près de 480 étudiants
Quelque 478 étudiants en santé de Sorbonne Université, de la deuxième à la cinquième année, et âgés en moyenne de 21,5 ans, ont rempli un questionnaire en ligne (100 mots minimum par réponse) après avoir écouté entre octobre 2022 et juin 2023 les six premiers épisodes du podcast. Ce questionnaire faisait office d’examen. Les auteurs de l’étude, Christelle Nilles, Cyril Atkinson-Clément et l’équipe du Pr Flamand-Roze souhaitaient répondre à deux questions : est-ce que les étudiants considèrent ce podcast comme un outil crédible pour apprendre les humanités médicales ? De quelle manière son écoute peut-elle modifier leur perception du système de santé dans notre monde actuel ?
Les réponses ont été segmentées de manière aléatoire, de manière à donner des éléments simples pour former des clusters. Un algorithme a ensuite identifié les idées dominantes.
Plébiscite pour la forme et le fond
Selon les résultats publiés dans Medical Education Online, les étudiants ont salué à la fois la forme et le contenu. Le contenu, parce qu’il traite des sujets qui touchent à l’essence de la médecine et des valeurs des médecins ; et le format, parce qu’il permet d’entendre des témoignages. Ils le conçoivent comme un outil d’apprentissage « intéressant, ludique et facile ». Ils estiment aussi que ce medium incite à l’autonomie, en ce qu’il les laisse libres dans leur écoute (possibilité de l’écouter dans les transports en commun, en plusieurs fois, de revenir en arrière, etc.).
« Écouter chaque épisode leur a permis d'acquérir de nouvelles connaissances et de changer de manière significative leur point de vue sur les sujets traités », lit-on dans l’étude. Au sortir de l’épisode sur la grossophobie, un étudiant écrit : « J’ai réalisé que j’avais ce biais de représentation ». « Écouter l’épisode sur le consentement aux soins m’a fait prendre conscience de combien j’ignorais l’importance de ce paramètre pour le bien-être psychologique des patients », résume un autre. Ou encore : « Je trouve scandaleux que de la violence, physique ou verbale persiste en médecine. J’ai apprécié le point de vue du gynécologue qui s’attache à la communication non verbale des patients pour apprécier leur consentement ». Et après l’épisode sur la santé en prison : « Je tâcherai dans ma pratique future d’offrir des soins à chaque patient, indépendamment de son statut social ou de ce qu’il a fait dans sa vie. »
Les clefs du succès, selon les chercheurs : des techniques efficaces de storytelling (l’art de raconter une histoire), la mise en son immersive, des témoignages concrets de soignants et chercheurs de tous âges (ce qui facilite l’identification), les récits des patients (qui suscitent l’empathie) et des regards croisés entre sciences humaines et médicales. « Les étudiants aspirent à entendre la voix des patients : c’est plus riche émotionnellement, souligne auprès du Quotidien le Pr Flamand-Roze. Le narrateur n’est pas le prof : c’est important car soigner est avant tout se mettre au service des patients, pas faire ce qu’a dit l’enseignant ».
Diffusion dans les facs et auprès du grand public
« Un tel enseignement peut améliorer le professionnalisme médical, la pensée critique, le jugement clinique, l’empathie, la communication et la prise de conscience que les problèmes des patients vont au-delà de la biologie. Cela peut également préparer les étudiants à mieux gérer le stress professionnel », lit-on dans la discussion.
« Cette étude apporte une démonstration unique de la puissance et de l'efficacité pédagogique de ce podcast », est-il conclu. Au total, 12 épisodes seront disponibles l’année prochaine. Plusieurs facultés ont fait montre de leur intérêt pour ce format. « Cela répond aux aspirations des étudiants : la médecine ne se résume pas au médico-scientifique, dont les connaissances ne sont pas si difficiles à apprendre, sans compter l’apport de l’IA », estime le Pr Flamand-Roze. Gratuit et accessible sur les plateformes classiques, il a aussi vocation à parler au grand public. « Il permet aux patients d’aider les soignants à les soigner. C’est un outil de partage propice au débat et un exemple de démocratie sanitaire », conclut son co-fondateur.
« Le matin, je me demandais si j’allais bosser ou si je fonçais dans un mur », une médecin partage ce qui l’a aidée à sortir du burn-out
Pédocriminalité : l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec renvoyé devant une cour criminelle
Vieillir avec le VIH : un suivi associatif pour les femmes migrantes à Lyon
Fin de vie : députés et associations veulent reprendre les discussions, le gouvernement silencieux