« Il y a une application pour ça ! ». Voilà comment, en 2009, Apple vantait l’omnipotence de son iPhone. C’était il y a dix ans, et l’on pouvait alors considérer que la firme californienne exagérait. Mais aujourd’hui, les smartphones sont devenus le centre de nos vies numériques : ils sont désormais partout, y compris dans les cabinets de médecine générale… même s’ils y occupent une place un petit peu particulière.
« Les généralistes font l’immense majorité de leurs actes à leur cabinet : ils consultent donc avant tout leurs outils numériques sur des sites web plutôt que sur des applis mobiles », constate le Dr Thomas Bammert, généraliste à Guérande en Loire-Atlantique, et fondateur de KitMédical, une association qui se veut « le portail numérique du médecin généraliste », selon ses propres termes. Mais cette préférence pour l’écran d’ordinateur ne veut pas dire que le smartphone est inutile en consultation.
De la base médicamenteuse à l’aide à la cotation
Le Dr Suzanne Dang, jeune généraliste remplaçante, l’a constaté à l’occasion de sa thèse soutenue en 2017, qui portait sur l’utilisation des applis par les généralistes de Haute-Normandie : seulement 15 % des 236 praticiens qu’elle a interrogés ont déclaré ne jamais utiliser de smartphone « à des fins médicales ». Plus intéressant encore : ceux qui l’utilisaient déclaraient avant tout le faire au domicile des patients (65 %) ou au cabinet entre deux consultations (55 %). L’utilisation directe pendant la consultation ne venait qu’en troisième position des usages du smartphone (40 % des généralistes interrogés).
Parmi les plus applis les plus utilisées par les médecins, le travail de Suzanne Dang met sans surprise en évidence les bases de données médicamenteuses (BCB, Vidal, etc.), citées par 95 % des praticiens utilisant leur smartphone. Viennent ensuite les calculateurs de scores médicaux (Medicalcul, Medicalc, etc. : 44 %) et les outils d’aide à la prescription (Doc protocoles, E-pansement, Antibioclic, etc. : 35 %). À ces utilisations classiques, le Dr Thomas Bammert pense qu’il faut ajouter les messageries sécurisées type Apicrypt ou PandaLab, les applis d’aide à la cotation type Cotation santé ou Honoraires, et bien sûr les inévitables agendas professionnels de type Doctolib.
Freins
Reste que les applis sont loin d’être devenues l’alpha et l’oméga de la pratique médicale. « Je pense qu’elles ne sont pas encore entrées dans les mœurs, les médecins utilisent encore beaucoup les supports papier », estime Estelle Dang. Et si Thomas Bammert reconnaît qu’une aide à la décision comme Antibioclic peut par exemple être très utile lors d’une visite dans une maison de retraite, il a aussi identifié des freins au développement des applis. « Les médecins sont peu habitués à payer pour ce genre d’outil, certains ne sont pas à l’aise avec l’idée de sortir leur mobile devant leurs patients, et les ordinateurs sont tout de même beaucoup plus confortables », énumère-t-il.
Malgré ces petits bémols, Suzanne Dang et Thomas Bammert ne manquent pas de conseils judicieux quand on les interroge sur les applis qu’ils jugent les plus utiles. « J’utilise souvent l’appli Hartmann pansements, indique la jeune femme. C’est une appli plutôt infirmière, mais notre formation d’internes sur les plaies est un peu trop succincte, donc cela aide beaucoup. » Le Guérandais, lui, conseille SAUV Life, une appli qui permet à toute personne ayant un brevet de secouriste, et à plus forte raison à tout médecin, de s’identifier de manière à pouvoir être géolocalisé et alerté en cas de besoin.
Et si on prenait un raccourci ?
Autre conseil de Thomas Bammert : si un site web vous est utile, mais que son éditeur n’a pas développé d’appli, vous pouvez tout de même y accéder de manière simple et rapide. « Il suffit de mettre un raccourci vers cette page web sur votre mobile, indique-t-il. Je ne suis pas sûr que beaucoup de médecins le sachent. »
Il conseille notamment de créer sur son smartphone un raccourci vers Doocteur, un moteur de recherche spécialement conçu pour les médecins généralistes car il élimine des résultats de recherche destinés au grand public. Précision utile : Doocteur a été développé par KitMédical, l’association de Thomas Bammert. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.
A.R.
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