Un guide rédigé « par des médecins, pour des médecins » afin d’assurer une communication rigoureuse et conforme aux principes déontologiques de la profession sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne. C’est le projet sur lequel ont travaillé pendant plusieurs mois le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), le géant YouTube ainsi que cinq médecins créateurs de contenu médical.
« Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus des acteurs essentiels de l'information. Si cette opportunité est immense, elle nous impose une lourde responsabilité : celle de garantir une information fiable, éthique et accessible au public », a introduit le Dr François Arnault, président de l’Ordre national des médecins, dévoilant devant la presse une charte de bonnes pratiques destinée aux praticiens prenant la parole en ligne. « Les vidéos de santé qui circulent sur les réseaux sociaux comptabilisent des millions de vues. Mais combien reposent sur des éléments scientifiquement solides ? », s'est-il interrogé.
Le grand public navigue dans un environnement où la désinformation prolifère
Dr François Arnault, président du Cnom
Le président de l’institution ordinale a recadré les enjeux et les risques des fausses informations médicales répandues sur les réseaux. « Aujourd’hui, les nouveaux modes de communication offrent aux médecins la possibilité de s’adresser à des millions de personnes, a-t-il insisté. Cette transformation est une chance mais aussi un défi car, bien souvent, le grand public doit naviguer dans un environnement où la désinformation prolifère et où les pressions commerciales peuvent nuire à la neutralité du discours médical, particulièrement dans la médecine esthétique et les pratiques de soins non conventionnelles. »
Dans ce contexte, l’ORL a souligné l'importance d’instaurer des garde-fous pour garantir que l'information diffusée sur ces plateformes respecte les règles éthiques et scientifiques. En découle une charte de bonnes pratiques – déclinée en dix principes fondamentaux – conçue pour guider (et cadrer) les médecins créateurs de contenu.
Ces principes incluent la transparence des contenus publiés, le refus de promouvoir des pratiques ou thérapeutiques non validées scientifiquement, la mise à jour des informations accompagnées de sources explicites, l'interdiction de conseils médicaux « personnalisés » sur les plateformes et réseaux, la prudence et la modération dans les interactions en ligne, ainsi que l'interdiction d’une promotion commerciale des produits de santé, médicaments ou dispositifs médicaux. Il convient aussi de ne pas mettre en avant sa propre activité et de ne pas utiliser de moyens payants pour mieux référencer son contenu. La charte entend aussi s’attaquer aux professionnels autoproclamés qui utilisent les réseaux pour promouvoir des thérapies alternatives… Quant au terme de « docteur » dans le pseudonyme, il est réservé aux seuls praticiens qui en possèdent effectivement le titre !
« Crédibiliser la parole des médecins face aux influenceurs »
Invités à contextualiser cette démarche, les cinq médecins youtubeurs ayant participé à l’élaboration de cette charte ont salué l’initiative. « Ce premier document de référence est clairement ce qui nous manquait, a souligné la Dr Nawale Hadouiri (@dr_nawell2.0), praticienne hospitalo-universitaire en médecine physique et de réadaptation. Cela va donner un cadre à des jeunes médecins qui veulent se lancer. Désormais, ils sauront à quoi se référer pour proposer un travail de qualité ! »
De fait, entre placements de produits et promotions commerciales douteuses, de nombreux abus sont constatés, notamment au sein de la nouvelle génération. « On observe beaucoup de dérives parmi les jeunes médecins sur les réseaux sociaux, sans qu’ils aient conscience de ce que ça implique, analyse le Dr Arthur Lefort, médecin généraliste et directeur d’édition de la chaîne Major mouvement. C’est donc une très bonne chose si on commence à les sensibiliser tôt car ça commence parfois dès la première ou deuxième année. » L'idée « n'est pas de restreindre » mais « de crédibiliser la parole des médecins face aux influenceurs », ajoute-t-il.
La Dr Audrey Perret, dermatologue et créatrice de la chaîne YouTube Dermato Drey, a souligné de son côté l’importance de ce premier guide de bonnes pratiques face aux fake news en santé. « Ce cadre déontologique va aider et guider les médecins qui ont une présence en ligne (…) Proposer une information médicale rigoureuse et accessible est une façon de lutter contre la désinformation et ça participe évidemment à notre action de santé publique ».
L’initiative ordinale tombe en tout cas à point nommé alors que Elon Musk mène une attaque en règle contre l’Europe et la régulation du numérique et que le patron de Meta, Mark Zuckerberg, a affiché sa volonté d’assouplir la modération des contenus sur Facebook et Instagram.
Même si elle n’est pas contraignante, cette « bible » du médecin créateur de contenu a vocation à être diffusée au sein de la profession, y compris dans les facultés. « Cette charte est un appel à une mobilisation collective, avance le Dr François Arnault. Notre objectif est que le plus grand nombre possible de médecins créateurs de contenu l'adoptent ! Nous espérons qu'elle marquera le début d'une prise de conscience, tant des plateformes que des médecins créateurs, pour réaffirmer qu'il existe des domaines de communication où nous ne pouvons pas nous écarter de l'approche scientifique, sous peine de mettre en danger les patients. »
Depuis la pandémie de Covid-19, où les intox sur la vaccination ont proliféré de manière virale, YouTube a intensifié le combat contre la désinformation. En septembre 2023, la plateforme avait annoncé une nouvelle fonctionnalité visant à « certifier » les contenus publiés par des organismes, établissements et professionnels de santé répondant à des critères spécifiques, afin de garantir une information fiable.
Avec ce nouveau partenariat, a résumé Justine Ryst, directrice de YouTube France, la plateforme compte « s'adresser à la nouvelle génération de médecins qui sortent de leur cabinet et utilisent YouTube et les réseaux sociaux comme canal de communication direct ».
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