Le projet de loi sur la fin de vie doit prévoir une possibilité de décision collégiale (et non seulement de procédure collégiale) sur l'octroi ou non d'une aide à mourir, a demandé ce 23 avril le président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) devant la commission spéciale de l'Assemblée. S’il s’était déjà exprimé sur les grands principes qui doivent guider les médecins dans l’accompagnement des fins de vie, le Dr François Arnault s’était jusqu’à présent gardé de commenter publiquement le projet de loi, dévoilé en Conseil des ministres le 10 avril.
En l'état, le texte prévoit « d'associer plusieurs professionnels de santé pour apporter une réponse » au patient sollicitant une aide à mourir, a-t-il rappelé devant les députés de la commission qui ont commencé leurs auditions hier. « Mais il y a un moment précis où c'est le médecin qui décide, et c'est quelque chose qu'il faut compléter, améliorer » dans le texte, a-t-il plaidé.
Le médecin « doit pouvoir avoir recours dans sa décision au soutien d'un autre professionnel de santé », même si cette collégialité ne doit pas être rendue « obligatoire », selon le président de l'Ordre des médecins.
Jusqu'alors, le texte gouvernemental prévoit qu'une fois qu'un patient demandera une aide au suicide, ce sera à un médecin de se prononcer après une procédure lui laissant jusqu'à 15 jours. Il le fera seul, même s'il devra solliciter l'avis d'au moins deux personnes : un spécialiste de la pathologie concernée, qui ne connaît pas le patient, et un soignant non médecin, qui aura de préférence accompagné le malade.
L'aide à mourir est controversée chez les soignants. Selon une enquête auprès de plus de 3 500 conseillers ordinaux représentatifs du monde médical en avril 2023, 66 % des praticiens sont contre, 23 % pour, 11 % sans opinion, a détaillé le Dr Arnault.
Des réserves sur le critère du pronostic vital
Le président de l'Ordre des médecins a aussi souhaité que la future loi protège mieux les praticiens si des proches déposent plainte auprès de l'Ordre après une mort assistée. « Il y aura toujours quelqu'un pour dire “je conteste ce qu'a fait le médecin” et porter plainte devant la justice disciplinaire », a-t-il expliqué.
La solution pourrait être de ne pas imposer à l'Ordre de saisir systématiquement son instance disciplinaire en cas de plainte, une mesure qu’il réclame aussi pour les signalements de violences sur mineurs, afin qu’un médecin signalant de bonne foi ne soit pas l’objet de poursuites disciplinaires entamées par l’auteur présumé des violences.
Le Dr François Arnault a enfin exprimé son scepticisme sur le critère de « pronostic vital exigé à court ou moyen terme », l'un de ceux exigés pour bénéficier d'une aide à mourir. Lorsque la mort n'est pas prévisible à court terme, « ce n'est pas raisonnable pour le médecin de se prononcer sur la durée restant à vivre, parce que franchement on ne la connaît pas », a-t-il déclaré. « Dans certaines pathologies », comme la maladie de Charcot, « il est impossible de dire » quand le décès surviendra, a-t-il ajouté. Fixer un critère de terme « empêche une évaluation au cas par cas » de la situation du patient, a-t-il également estimé.
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