*« La Grande Bellezza » : Rome éternelle
A-t-on besoin d’un nouveau Fellini ? Vous répondrez que oui, s’il a autant de talent que le maestro de la « Dolce Vita ». D’aucuns diront Paolo Sorrentino, réalisateur napolitain de 43 ans, n’a de commun avec Fellini que son sujet, un regard à la fois amoureux et désabusé sur Rome. Il a aussi une façon de filmer les personnes en accentuant les traits qui évoque les créatures felliniennes.
Mais laissons-là la comparaison. Après avoir mis en scène un homme politique, Giulio Andreotti (« Il Divo ») et une ancienne star de rock (« This must be the place », avec Sean Penn), Sorrentino suit un journaliste mondain, auteur d’un seul livre, quelques décennies auparavant : il fête ses 65 ans et passe de fête en fête avec un regard de plus en plus détaché sur ses contemporains et sur la recherche du plaisir.
Le film, qui commence par une citation de Céline, est bavard, bruyant et cependant séduisant. Il ouvre des portes romaines sur des perspectives inattendues, évoque sans avoir l’air d’y toucher trente ans d’évolution de la société italienne et fait partager l’humanité blessée du personnage, qu’incarne parfaitement le grand Toni Servillo.
***« Un château en Italie » : le sourire de la douleur
Après « Il est plus facile pour un chameau » et « Actrices », Valeria Bruni Tedeschi se sert une nouvelle fois d’une riche matière autobiographique, bien qu’elle se défende, on ne sait pourquoi, de faire de l’autofiction. Le château en Italie, c’est celui qu’a possédé sa famille ; la femme à la quarantaine qui se débat avec son désir d’enfant, c’est elle ; la mère qui va connaître la douleur de perdre son fils, c’est la sienne, Marisa Borini, qui joue dans tous ses films.
Louise, qui a été comédienne, rencontre Nathan (Louis Garrel), lui-même acteur en crise. Le frère de Louise est en train de mourir du sida. La famille, qui a quitté l’Italie pour la France quand Louise était petite, a des soucis d’argent et peine à assumer les frais d’entretien du château. Louise veut à tout prix être mère, Nathan n’a pas du tout envie d’être père. Tout va mal, tout est souffrance. Et pourtant, miracle du cinéma, et de celui de Valeria Bruni Tedeschi en particulier, le film est plein de gaîté, de scènes rayonnantes, de sourires mêlés aux larmes.
On peut juger exhibitionniste cette façon de revivre sa douleur et celle de ses proches ou on peut en être doublement ému. Faire rejouer à sa mère le moment où elle apprend que son fils est mort ? Valeria Bruni Tedeschi explique que, quand elle a lu le scénario, Marisa Borini a dit : « Ça va être très dur, mais je ne veux pas que quelqu’un d’autre le fasse, je ne veux pas que quelqu’un d’autre aille au cimetière de famille, je ne veux pas que quelqu’un d’autre parle de ça. C’est à moi d’en parler. »
(Sortie le 2 octobre)
*« Ma vie avec Liberace » : le grand kitsch
Matt Damon, 42 ans, en éphèbe blondissime qui séduit/est séduit par le flamboyant pianiste de music-hall Liberace ! Il fallait bien Steven Soderbergh, avec lequel il a déjà tourné six films (dont les trois « Ocean’s »), pour le convaincre de jouer cet improbable rôle, dans un film kitsch inspiré des mémoires du jeune homme en question et de la trace qu’a dû laisser Liberace, mort du sida en 1983, dans les mémoires américaines. Quant à Michael Douglas, quand le cinéaste qui l’avait dirigé dans «Traffic » lui a proposé le rôle de Liberace, il a cru à une plaisanterie. Il faut reconnaître qu’il s’en tire très bien ; sa performance restera certainement dans les annales du genre.
« Ma vie avec Liberace » évoque en passant la question de l’acceptation sociale de l’homosexualité dans les années 1970 mais est surtout un film à numéros. Les acteurs s’en donnent à cœur joie et l’on relèvera entre autres les apparitions de Rob Lowe en caricature de chirurgien esthétique et de ...Debbie Reynolds (dont le dossier de presse rappelle qu’elle a débuté à 19 ans dans « Chantons sous la pluie ») en mère forcément excentrique. La production n’a pas lésiné sur les décors, extravagance de Liberace oblige, et le film déborde d’ors, de paillettes et de meubles baroques.
Une fois tout cela posé, est-ce qu’on l’aime, ce film ? Pourquoi pas, si on peut le voir comme une histoire d’amour.
(Date de sortie non déterminée)
**« Jimmy P. » : psychothérapie en action
C’est toujours une gageure que de vouloir montrer une psychothérapie en action. Celle que mène Georges Devereux auprès de Jimmy Picard, qui a combattu en Europe, a ceci de particulier qu’elle annonce l’ethnopsychiatrie et la reconnaissance du trauma psychique, ce que l’on appellerait aujourd’hui stress psychosomatique.
Tombé par hasard dans une librairie sur le livre de Devereux, « Psychothérapie d’un indien des plaines » (1951), Arnaud Desplechin a été fasciné par « la puissance dramatique » des dialogues de cette psychanalyse, la seule, souligne-t-il, « où nous avons une minute de toutes les séances ». Cap donc sur les États-Unis, pour faire revivre sur les lieux mêmes la rencontre de l’anthropologue européen contesté et de l’indien blackfoot perturbé.
Restait à trouver l’imagerie qui éviterait au film de se résumer au ping-pong, dans le cas présent lent et douloureux, de l’analyse. Desplechin se risque à illustrer les rêves, avec une réussite inégale, mais centre son récit sur les personnalités des deux protagonistes, brossant un portrait séduisant de l’inclassable et fantasque Devereux et compatissant avec les souffrances de Jimmy.
C’est dire que le film repose sur les deux acteurs : Mathieu Amalric manifestement ravi de jouer, accent d’Europe centrale y compris, un personnage aussi fantasque ; Benicio Del Toro concentré dans son rôle d’indien perturbé par la guerre et l’indifférence méprisante opposée à sa culture.
Au passage, Desplechin offre un tableau de la médecine mentale de l’époque (la clinique Menninger de Topeka, dans le Kansas). Mais toute entière au service de son ambitieux et passionnant sujet, la mise en scène est plus classique que les admirateurs du cinéaste pouvaient le souhaiter.
(Sortie le 11 septembre)
***« Inside Llewyn Davis » : tout pour la musique
Encore un film des frères Coen en compétition ! Oui, mais c’est l’un des meilleurs. Les inséparables racontent une semaine dans la vie d’un jeune chanteur de folk, du côté de Greenwich Village, au tournant des années 1960, juste avant Dylan. Le film est une boucle parfaite qui contient de ces moments dramatico-burlesques dont les frères ont le secret. Car le héros, Llewyn Davis, va de galère en galère, squattant chez les uns et les autres, acceptant des petits boulots dans l’espoir de percer dans la musique, gâchant les chances qui se présentent par son intransigeance ou ses maladresses.
Tout en inventant des personnages, les Coen reconstituent avec fidélité et souvent précision les lieux, l’ambiance de l’époque et montrent les chansons jouées et chantées en entier, ce qui ajoute à l’impression d’authenticité. Les acteurs, bien choisis, en sont eux-mêmes les interprètes. Oscar Isaac, qui est de toutes les scènes, est une grande découverte, même si on l’a déjà vu dans « Robin des bois » ou « Drive ». Carey Mulligan est bien plus émouvante que dans « Gatsby ». Justin Timberlake, Garrett Hedlund et l’inénarrable John Goodman sont aussi de la fête.
(Sortie le 6 novembre)
**« Tel père, tel fils » : naissance d’un père
Le Japonais Kore-Eda est le cinéaste de la famille en crise, des liens brisés, des enfants livrés à eux-mêmes. Se souvenant des substitutions d’enfants qui ont accompagné le boom de la natalité dans son pays dans les années 1960, il imagine deux familles qui découvrent, alors que leurs garçons ont 6 ans, que ces derniers ont été échangés à la naissance. Le héros principal est un homme à la réussite affirmée qui a beaucoup d’ambitions pour son fils. L’autre famille est pauvre et bohème. On n’évoquera pas le film français très célèbre qui a le même genre de point de départ, car le ton et le traitement du sujet n’ont rien à voir.
Kore-Eda, à petites touches, montre l’évolution des quatre parents, alors que l’échange est envisagé et que les enfants tentent de s’adapter sans mot dire. De rencontre en rencontre, chacun va questionner, à sa manière, les liens du sang et ceux du vécu de six années. La mise en scène, toute en finesse, s’accorde à la subtilité psychologique du récit.
(Date de sortie non déterminée)
**« Borgman » : la normalité du mal
« Le mal peut surgir dans la vie de tous les jours, incarné par des hommes et des femmes ordinaires, normaux, polis, qui s’acquittent de leurs tâches avec fierté et plaisir et avec une impitoyable attention aux détails » : c’est ce que le Néerlandais Alex Van Warmerdam a voulu montrer et il le fait avec une effrayante efficacité.
Un homme sonne à la porte d’une riche demeure. Il va changer la vie de ses habitants, une famille de publicité, avec le père très occupé, la mère élégante qui peint, les trois enfants blonds et la jolie jeune fille au pair. Ce pourrait être l’ange exterminateur, le visiteur de « Théorème » mais le cinéaste se garde de toute interprétation métaphysique et se garde de donner quelque explication que ce soit.
« Il y a des gens qui deviennent plus légers avec l’âge, dit Van Warmerdan, qui joue lui-même l’un des assistants de son héros. Moi, je deviens méchant. Je ne sais pas si mon film n’est pas devenu trop méchant ! » Il est en tout cas à la fois effrayant, drôle et dérangeant.
(Sortie le 20 novembre)
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série