La profession salue la nomination d'Agnès Buzyn mais réclame des gages

Un médecin à la Santé, bon pour la confiance ?

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Publié le 22/05/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le Pr Agnès Buzyn a été l'une des surprises du gouvernement d'Édouard Philippe. Préférée aux deux favoris – le Dr Olivier Véran, référent santé d'Emanuel Macron, et le député LR de la Marne Arnaud Robinet – cette hématologue hospitalo-universitaire de 54 ans ne manque pas d'atouts. Mais les attentes sont immenses.

• Médecin expérimenté, compétences managériales et gestion de crise

Aux yeux de la profession, Agnès Buzyn coche presque toutes les cases. L'ancienne présidente de la Haute autorité de santé (HAS) et de l'INCa est une « femme médecin d'une intelligence remarquable » (CSMF), une « grande professionnelle » (MG France), une « enseignante-chercheuse placée à un poste clé » (ISNI). Affichant un parcours hospitalo-universitaire sans faute de clinicienne hématologue et de chercheur, elle a passé 19 ans à la tête d'une unité de soins intensifs et de greffe de moelle à l'hôpital Necker jusqu'en 2011. Autre avantage : elle connaît les arcanes de l'administration de la santé – Agence de la biomédecine, Établissement français du sang, jusqu'à l'INCA et la HAS. Elle a dû gérer des crises de sécurité sanitaire lorsqu'elle était à la tête de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). « Agnès Buzyn est un très bon choix, elle est reconnue dans le monde médical, commente le Dr Claude Pigement, ancien responsable santé du PS. Il ne faudrait pas que les médecins libéraux ne retiennent que l'étiquette de la PU-PH de l'AP-HP. » Une réserve précisément exprimée par la CSMF (lire page 3).  

• Choix peu clivant

« Agnès Buzyn n'a pas d'ennemi, elle est apolitique, n'est pas marquée par les conflits, c'est un choix rassembleur », résume un responsable institutionnel de la santé. À l’instar de l’Ordre, les médecins veulent croire qu'elle « renouera le dialogue » de façon équilibrée. « Soyez une ministre au chevet de la médecine, soyez la ministre des professionnels de santé et des patients, réparez les erreurs du passé », exhorte l'UFML. Les demandes du secteur libéral ont déjà fleuri : moratoire sur le tiers payant, ONDAM favorable... Il n’y aura « pas d’état de grâce », prévient MG France, qui avait vu d'un bon œil la décision d'Agnès Buzyn « d’orienter les travaux de la HAS vers les soins primaires ». Du côté des établissements, la FHF (hôpitaux) somme la ministre de « rétablir une relation de confiance avec la communauté hospitalière ». Au nom des cliniques, la FHP réclame une « équité de la décision publique vis-à-vis des acteurs de santé » publics et privés.

• Attentive aux patients et à la prévention  

« La nouvelle ministre nous a montré la sensibilité particulière qu’elle sait apporter à la voix des patients », se félicite l'Union nationale des associations agréées des usagers du système de santé. Agnès Buzyn a obtenu le « droit à l'oubli », s'est engagée contre les inégalités de santé et les pertes de chance. L'ex patronne de la HAS a lancé « Scope Santé », comparateur des hôpitaux et des cliniques. Mais les usagers lui réclament davantage : réduire le reste à charge, supprimer les déserts médicaux, accéder aux médicaments innovants au meilleur coût…

Le Pr Buzyn a « une solide connaissance des enjeux de santé publique », ajoute le Dr Jean-François Thébaut, qui a cotoyé la nouvelle ministre à la HAS. « Son intérêt pour la prévention et son approche résolument scientifique sont connus », abonde la Fédération des addictions. Le Pr Buzyn a piloté le 3e plan cancer, animé le plan national de réduction du tabagisme et s'est mobilisée contre le détricotage de la loi Evin. Un atout alors qu'Emmanuel Macron promet une révolution de la prévention. 

• Moins dogmatique ?

Lors de la passation de pouvoir, le Pr Buzyn a eu un mot pour les « réformes courageuses » de Marisol Touraine mais a pris soin d'emblée de se démarquer. « Notre style sera peut-être différent  ». « Nous devrons travailler collectif (...), j'essaierai de traiter les dossiers avec équité ». La ministre sera jugée sur ses arbitrages. Elle a déjà insisté sur « l'équilibre à trouver » entre la ville et l'hôpital. Un de ses anciens confrères à l'INCa, le Dr Jérôme Viguier, loue ses qualités. « Elle est extrêmement humaine dans l'approche des dossiers et très respectueuse des personnes. » Des traits de caractère qui ne devraient pas déplaire aux médecins.

Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9583