UNE PINCE chirurgicale oubliée pendant six mois dans l’abdomen d’une patiente ; une réponse désinvolte du praticien à cette malade quand elle finit par s’en rendre compte. L’histoire, qui heureusement finit bien, s’est jouée le week-end et lundi dernier à Lyon, à la clinique Natecia ; elle a, depuis, fait le tour des journaux télévisés. À l’heure des check-lists au bloc, de la guerre aux erreurs évitables, de la multiplication des procédures dites « qualité », ce couac particulièrement spectaculaire – la pince est soudain réapparue dans le nombril de la patiente – ne fait pas très bon effet.
La clinique Natecia assume les erreurs et n’accable en aucun cas le chirurgien impliqué – « un médecin sérieux, ayant 30 ans de carrière derrière lui ». « Cet événement nous apprend que les démarches qualité que nous avons mises en œuvre depuis plusieurs années s’avèrent encore insuffisantes pour sécuriser le parcours de soins. Nous allons y travailler », explique le directeur de l’établissement, Jean-Loup Durousset. Qui tire d’ores et déjà deux leçons précises de l’épisode : il va falloir se pencher davantage sur « la sécurité et le comptage des instruments » et sur « la place du patient ».
Les mailles du filet.
Il y a bel et bien deux versants dans cette affaire. Le premier est l’oubli de la pince. En dépit de toutes les précautions, « on peut, à un moment donné, se tromper », constate Jean-Loup Durousset. Et les mailles de la surveillance ne sont pas toujours parfaitement ajustées. « On me dit qu’un deuxième comptage aurait dû avoir lieu à l’échelon de la stérilisation. Mais il se trouve que beaucoup d’instruments partent dans le linge, les loueurs de linge nous en rapportent d’ailleurs des seaux chaque année ! En conséquence de quoi, on a vite fait de penser, si une pince manque à la stérilisation, qu’elle a suivi ce chemin… »
Aucun chirurgien ne contredit le patron de la clinique Natecia sur l’existence de mailles dans le filet sécuritaire installé au bloc au fil des années. Sur leur taille, en revanche, il y a débat. Pour le Dr Hani-Jean Tawil, chirurgien orthopédique à l’hôpital d’Orsay, dans l’Essonne, les procédures mises en œuvre n’ont pas forcément fait leurs preuves : « Depuis deux ans, les papiers que nous avons à remplir en salle d’op’ se sont multipliés. Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec douze formulaires à compléter quand auparavant, il n’y en avait aucun. Et ce qu’on nous demande n’est pas toujours adapté. La check-list, par exemple, impose que trois intervenants soient réunis pour la remplir : la panseuse, le chirurgien et l’anesthésiste. Or ça n’est quasiment jamais le cas. Ou bien, si cela se produit, c’est pour 5 minutes ! »
Le Dr François Aubart, chirurgien orthopédique à l’hôpital d’Eaubonne-Montmorency (Val-d’Oise), estime, lui, que « les petits objets, les têtes de pinces d’endoscopie ou de cœlioscopie, les fragments d’instrument… » peuvent échapper à la surveillance des hommes de l’art mais que quand il s’agit d’objets plus volumineux, c’est qu’il y a un problème. Pour le Dr Aubart, quand bien même une erreur survient, elle est en général repérée – et réparée – très rapidement. Le chirurgien se souvient d’un cas d’espèce où un confrère avait oublié dans le corps d’un patient « un piquet de 25 centimètres », immédiatement identifié et retiré. Dans l’affaire lyonnaise, rien de tel. Si la patiente indique avoir souffert de douleurs abdominales après son opération, celles-ci sont interprétées comme des suites opératoires normales. Pour la clinique, toutes les consultations postopératoires ont été effectuées dans les règles – la dernière en date était programmée lundi dernier – sans qu’aucune anomalie ne soit détectée. Jusqu’à ce que, probablement, la pince se positionne différemment dans l’abdomen de la patiente, sa présence est donc passée inaperçue.
La réponse apportée par le chirurgien lyonnais à sa patiente lorsque l’instrument – ou du moins sa tête – est réapparu constitue l’autre volet de cette affaire. C’était le week-end, la patiente avait déjà un rendez-vous fixé le lundi, le praticien n’a pas jugé utile de la voir avant ou de l’orienter vers l’un de ses confrères d’astreinte. Après avoir passé un scanner dans un autre établissement, la patiente a finalement été opérée le lundi par son chirurgien qui ne semble pas, à cette occasion, s’être confondu en excuses. Le directeur de la clinique n’est pas autrement surpris de ce manque de tact. « Moi, dit-il, je déconseille aux médecins de gérer tout seuls ce genre de difficultés. Parce que, placés dans de telles situations d’émotion et de culpabilisation, ils sont trop maladroits. »
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique