LE QUART des postes de PH à temps plein en anesthésie-réanimation sont vacants, et pour les PH à temps partiel, le taux s’élève à 55 %. Des déserts apparaissent dans certaines régions, que les hôpitaux combattent à l’aide de remplaçants et de médecins étrangers. Avec plus de 1 000 départs à la retraite attendus d’ici à 2020, aucun miracle ne se profile.
Jugeant l’heure très grave, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR-E) réclame un « électrochoc ». Son colloque organisé la semaine dernière à Paris a permis de dresser un bilan de la situation. Faute de stratégie nationale concertée, chaque établissement se démène dans son coin pour attirer les recrues. Renouvellement du matériel sur des fonds privés pour attirer les jeunes en quête d’innovation (à Rennes), création de postes de chefs de clinique partagés entre CHU et hôpitaux généraux (à Lille), transgression des règles fixant la rémunération des remplacements (nulle part ou presque n’est respecté le tarif de PH 4e échelon majoré de 10 %)... Les Hospices civils de Lyon mettent sur pied un plan d’action avec l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP), qui prévoit de prévenir les débordements horaires et les mobilités inopinées. Chacun, en somme, y va de sa recette locale.
Un jeune sur cinq veut quitter l’hôpital.
Mais que veut la relève en anesthésie ? Avant tout un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une bonne organisation des plateaux techniques, des horaires moins importants et une activité mixant anesthésie et réanimation, d’après une enquête organisée par le SNPHAR-E et l’ANICAR* auprès d’internes et de jeunes praticiens (269 questionnaires exploités). Bien qu’important, l’argument financier passe après. Un sondé sur cinq a d’ores et déjà décidé de quitter l’hôpital public ; 41 % sont indécis.
Le SNPHAR-E appelle à une réflexion nationale. « Il faudrait qu’on ne travaille pas plus de 40 heures par semaine au bloc », considère sa présidente, le Dr Nicole Smolski. Comment dépasser la rivalité avec les chirurgiens ? Le Pr Benoît Vallet, du CHU de Lille, appelle à « une révolution sociologique » : « L’anesthésie est une discipline structurante pour l’hôpital. Confiez-nous la responsabilité des blocs! ».
La situation fait parfois le jeu des tutelles, qui jouent sur la pénurie médicale pour imposer certaines restructurations. L’agacement gagne alors tous les étages de l’hôpital, où des abus sont dénoncés. Ici, c’est un anesthésiste retraité qui est revenu dans son ancien hôpital faire des remplacements. Il empochait son ancien salaire en quelques jours, et a vite été remplacé. Là, c’est un anesthésiste titulaire imbibé d’alcool qui a été rappelé au début de la garde car le remplaçant était incompétent. « C’est violent, ce qui se passe, confie ce PH. Il faut réguler les tarifs pour éviter des catastrophes ».
Dérégulation.
Le SNPHAR-E propose de remplacer les règles illicites par un cadre officiel : création d’un pool de médecins remplaçants géré par le Centre national de gestion (CNG), avantages financiers dans les zones déficitaires (prime, bonus sur la retraite, avancement accéléré, doublement de l’ancienneté). L’objectif étant de tordre le cou à un mercenariat déstabilisateur pour les équipes en place. Et coûteux : rien qu’en Midi-Pyrénées, les hôpitaux ont dépensé 18 millions d’euros en 3 ans pour les remplacements en anesthésie. Leur appel d’offres lancé auprès des agences d’intérim - une première en France - n’a pas abouti : les tarifs proposés étaient vertigineux. Le système d’avant perdure. « Les directeurs d’hôpital versent un SMIC pour un jour de travail, malgré le tarif officiel beaucoup plus bas, malgré les plans de retour à l’équilibre. Ils n’ont pas le choix », déplore la permanente de la FHF-Midi-Pyrénées, Aline Gilet-Caubère, qui espère une action législative à Paris.
Le SNPHAR-E a convaincu la FHF de soutenir son combat. Les deux organisations espèrent être prochainement reçues au ministère de la Santé et au Sénat, où un groupe de travail planche sur les déserts médicaux.
* Association des internes et chefs de clinique-assistants anesthésistes-réanimateurs
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