Même la prestigieuse AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) manque d’anesthésistes : 45 des 730 postes budgétés ne trouvent pas de titulaires. « Et encore, il s’agit là de chiffres officiels. On masque le phénomène pour ne pas repousser les candidats », déclare un anesthésiste de l’Ouest parisien.
Des contractuels comblent les trous et font monter les enchères, créant un jeu de chaises musicales qui gagne toute l’Ile-de-France. L’hôpital Henri Mondor, après avoir vu fondre son équipe épuisée par la pression au bloc, s’apprête ainsi à accueillir des anesthésistes de Montreuil fuyant une situation catastrophique (« le Quotidien » du 16 octobre). La nomination d’un nouveau chef de service en anesthésie a ramené le calme à Mondor - mais contraint l’hôpital Jean Verdier, d’où venait le professeur, à diminuer son activité de bloc. « Demain, les remplaçants retourneront à Montreuil s’ils s’y voient offrir de meilleures conditions », parie ce PH.
Surcharge de travail.
La loi de l’offre et de la demande fragilise les projets médicaux. Avant l’été, un chirurgien de Lariboisière a tiré la sonnette d’alarme, persuadé que le feu couve à l’AP-HP. Sans anesthésie, plus de chirurgie, d’échographie, d’endoscopie… Interpellée, la CME a créé un groupe de travail pour stopper l’hémorragie. La valorisation de certaines spécificités (médecine de pointe, recherche…) ne suffira pas à rendre leur lustre aux hôpitaux de Paris. Se pose aussi la question des horaires de bloc, qui débordent parfois tard dans la soirée. Une surcharge de travail ni payée, ni récupérée, qui pousse de jeunes anesthésistes à rejoindre le secteur privé non lucratif, mieux organisé.
L’AP-HP veut réorganiser ses blocs. Mais a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Pour harponner les recrues, il faut aussi y mettre le prix. Bidouilles et coups de pouce s’avèrent insuffisants. « Jamais nous ne lutterons à armes égales avec le privé », concède le président de la CME de l’AP-HP, convaincu qu’il faut « revoir le paiement des plages additionnelles ». Privilégier une spécialité n’est pas sans risque. « Que vont dire les urgentistes, les radiologues, les gériatres, les psychiatres ?, interroge le Pr Loïc Capron. Va-t-on créer la notion de spécialité sinistrée ? ». Ce serait une entaille dans le statut unique de PH. Mais pour cet anesthésiste anonyme, il y a urgence : « Mettre un couvercle sur la marmite en attendant la relève des internes, et en prenant des étrangers pour faire les soudures, serait une grave erreur. L’AP-HP risque d’exploser ».
› D. CH.
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