Dans une note intitulée « médecine de ville : le pari de la jeunesse », dévoilée ce lundi, la fondation Terra Nova (centre gauche) plaide pour l'intégration pleine et entière des jeunes médecins aux négociations conventionnelles avec l'Assurance-maladie – et à la politique de santé en général. Ces derniers n'ont pas voix au chapitre aujourd'hui, résume cette étude.
Le think tank se fonde sur les arguments des syndicats de jeunes médecins, qui avaient vivement regretté, lors de la signature de la convention médicale de 2016, un « fossé de plus en plus béant entre des médecins bientôt retraités et une nouvelle génération qui ne se reconnaît plus dans ces modes d’exercices dépassés ».
Les jeunes déploraient un exercice « obsolète », basé quasi exclusivement sur le paiement à l'acte, l'exercice solitaire, l'absence de pluri-professionnalité… Impossible d'ignorer les critiques des juniors, plaide Terra Nova, car ce serait « se couper de femmes et d’hommes force de propositions », voire « insulter l’avenir ».
Les « négos » à la CNAM en ligne de mire
La fondation rappelle que la nouvelle génération se tourne vers le salariat en début de carrière, aspire à une meilleure qualité de vie, refuse plus que tout la bureaucratisation et manque de formation à l'exercice libéral. Il faut agir vite, recommande le groupe de réflexion. En écho aux préoccupations des jeunes, Terra Nova fixe pour objectifs prioritaires d'améliorer la protection sociale, de faire évoluer la formation ou encore de réduire les tâches de gestion et de secrétariat. « Si des médecins se détournent d'un exercice libéral jugé trop contraignant, c’est que notre système fait naître des frustrations », tranche Terra Nova, qui appelle les pouvoirs publics à s'emparer de ce sujet avant que la jeune génération devienne majoritaire.
Comment y parvenir ? Pour concrétiser les attentes des jeunes, leur meilleure représentativité est privilégiée en commençant par le droit de vote et de candidature aux élections aux URPS (unions régionales), dès lors que ces élections conditionnent ensuite la représentativité syndicale et le droit de négocier.
Terra Nova recommande d'« étendre le droit de participation aux élections aux remplaçants ainsi qu’aux professionnels dans leurs dix premières années d’exercice ». De cette façon, les droits à être éligibles et électeurs seraient reconnus à l’ensemble des jeunes médecins, sans distinction. Après dix ans d’exercice, tous les professionnels atteignant un exercice libéral plancher, fixé à 30 % de leur activité, bénéficieraient d’un droit de vote et de candidature aux élections.
Autre piste : intégrer les futurs et jeunes médecins dans un « collège spécifique » aux URPS leur permettant ensuite de participer de plein droit aux négociations des conventions médicales, qui régissent la médecine de ville pour cinq ans.
« Les jeunes médecins ne bénéficient pas d’une véritable représentation dans les lieux de négociation et de décision sur la politique de santé, insiste le document. Le processus électoral qui définit les interlocuteurs légitimes des pouvoirs publics tend à les exclure de la représentation collective. » Certes, lors des négociations à la CNAM, il arrivait parfois que des leaders des juniors soient hébergés dans des délégations « amies », mais en tant qu'observateurs muets... L'idée de Terra Nova serait donc d'autonomiser et de responsabiliser cette représentation jeune.
Des cabinets intégrés
Dans sa note, le laboratoire d'idées conseille aussi d'agir sur la formation initiale et l'installation en préparant les carabins aux différents modes d'exercice en ville ou en ouvrant un « guichet unique » d'accompagnement à l'installation.
Autre idée forte : la création d'une « vraie aide à l’installation alternative », où l’ensemble des coûts d’installation et d’exercice seraient supportés par d’autres acteurs, « les modes de rémunération (à l’acte, forfaitaire et à la performance) se concentrant sur le financement du diagnostic, de l’expertise et de la relation avec le patient ». Cela pourrait passer par la « mise à disposition des futurs et jeunes médecins d’un cabinet totalement organisé, si possible regroupé », avance Terra Nova. Une telle mesure aurait le mérite d’agir sur les barrières financières mais aussi psychologiques à l’installation, analyse le think tank, qui cite « l’exemple du réseau d’ophtalmologues Point Vision, intéressant à analyser ».
Un droit à l'expérimentation
Enfin, Terra Nova appelle à multiplier les solutions expérimentales sur les territoires, dans la droite ligne du plan gouvernemental de lutte contre les déserts médicaux, et à reconnaître un « droit effectif à l’expérimentation » pour tous les primo installés, (y compris les médecins qui étaient jusqu’alors remplaçants ou collaborateurs libéraux).
Le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) a aussitôt salué une analyse et des mesures « en phase avec ses attentes ».
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