LE DOSSIER de la responsabilité civile médicale s’invite une nouvelle fois dans le débat sur le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale). La mesure adoptée en 2009 est à réécrire : elle laisse planer un risque de faillite au-dessus de la tête des spécialistes à risque. C’est Roselyne Bachelot qui, publiquement, a rouvert le débat. Mercredi dernier, la ministre de la Santé a reconnu face aux députés que le problème n’est pas réglé. Le gouvernement prépare donc un nouvel amendement, dans la droite ligne du rapport Johanet (« le Quotidien » du 13 septembre).
Gilles Johanet préconise de mutualiser le risque médical lourd sur plusieurs acteurs : les assureurs, les médecins, les paramédicaux, les patients, et pourquoi pas les établissements de santé. Comment, dans le détail, abonder ce nouveau fonds ? L’ancien directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) prépare un deuxième rapport pour répondre à cette question.
La voie législative.
L’idée n’est pas nouvelle. Elle a ses partisans, ses détracteurs. Jean-Pierre Door, député UMP du Loiret, se range ouvertement dans la première catégorie. « C’est une piste très intéressante, dit-il. La question, c’est de savoir qui finance le fonds. Les médecins seuls ? La société civile également ? Il faut déposer un amendement au PLFSS adoptant le principe d’un fonds. Le financement sera détaillé par la suite dans un décret. Si le gouvernement ne dépose pas cet amendement, je le ferai. »
Mais tous les médecins ne l’entendent pas de cette oreille. Les généralistes, par exemple. « Il n’est pas question que les assureurs nous fassent assumer une partie du risque obstétrical, prévient le Dr Claude Leicher, président de MG-France. Mutualiser le risque sans mutualiser les honoraires n’est pas acceptable. » Controverse en vue. « Bien sûr, il y aura des leviers de bouclier, anticipe Jean-Pierre Door. Il faut avoir ce débat. Mais les professionnels ne doivent pas oublier qu’ils ont tous besoin les uns des autres. Tout le monde peut être opéré un jour ou l’autre. »
Les obstétriciens sont les spécialistes qui déboursent le plus pour s’assurer. Ceux, aussi, qui sont exposés au risque financier le plus lourd en cas de sinistre. Que pense le SYNGOF (le Syndicat des gynécologues obstétriciens) de la mutualisation ? « Je ne veux pas entrer dans ce débat, élude son secrétaire général, le Dr Jean Marty. Ce n’est pas aux obstétriciens de demander aux autres médecins et aux paramédicaux de payer pour eux. Ce que nous voulons, c’est que le problème de la naissance en France soit réglé une fois pour toutes. » Le SYNGOF pose deux conditions : un reste à charge assurantiel n’excédant pas 5 000 euros pour l’obstétricien. Et une garantie de couverture totale. « Il faut supprimer le risque de ruine, et donc supprimer les actions récursoires de l’ONIAM [Office national d’indemnisation des accidents médicaux », résume Jean Marty.
Pour mener sa bataille, le SYNGOF affirme disposer d’un soutien de poids : celui de Frédéric van Roekeghem, patron de l’assurance-maladie. « Je l’ai rencontré ces jours-ci, précise le Dr Marty. Il m’a dit voir d’un mauvais œil la disparition de l’obstétrique libérale, car le transfert des accouchements du privé vers l’hôpital public entraîne des dépenses supplémentaires. L’écart de coût est de 15 %. »
Mais sur sa route, le SYNGOF trouve Bercy, qui n’a pas l’air disposé à supprimer les actions récursoires de l’ONIAM. « Maintenir les actions récursoires permet aux assureurs de justifier la hausse de leurs tarifs via le relèvement du plafond de garantie », fustige Jean Marty. Une nouvelle hausse tarifaire se profile pour 2011. Un assureur comme SHAM propose un prix de base entre 20 000 et 26 000 euros aux obstétriciens sans sinistre, avec une garantie à 8 millions d’euros. L’aide de l’assurance-maladie, elle, reste fixée à 18 millions d’euros (pour les praticiens exerçant en secteur I). « Ce n’est pas comme cela qu’on va donner envie aux obstétriciens de revenir au bloc, déplore Jean Marty, du SYNGOF. Or 61 % des obstétriciens qualifiés ne pratiquent plus d’accouchement. Bercy refuse de l’admettre, mais c’est un vrai problème de santé publique. »
* ONIAM : Office national d’indemnisation des accidents médicaux.
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