Au nord, il y a les corons et il y a aussi la CPTS de Liévin-Pays d'Artois. Après six mois de préparation fastidieuse, entre le dépôt de statut et le passage obligé de la présentation du projet à l'ARS, la toute première communauté professionnelle territoriale de santé du département du Pas-de-Calais, fruit d'une initiative locale soutenue par la mairie, voit ses efforts se concrétiser.
Les sept membres fondateurs de cette association loi 1901, composée de pharmaciens, médecins, infirmiers et de représentants hospitaliers et médico-sociaux, ont lancé 150 invitations pour cette soirée inédite du 23 mai à l'Hôtel de ville de Liévin, commune de 30 000 habitants. Objectif : présenter la nouvelle structure pluriprofessionnelle aux confrères pour susciter de nouvelles adhésions.
À quelques heures de l'événement, Sophie Sergent, présidente de la CPTS, s'affaire. Relance des invitations, préparation de l'incontournable powerpoint, changement de projecteurs, dispositions des gâteaux apéritif… La dynamique pharmacienne de Liévin n'a pas compté ses heures pour faire de cette réunion un temps fort de la coordination pluriprofessionnelle naissante.
L'idée de cette association est née en 2016 à l'occasion d'une réunion ville-hôpital sur la question de la perfusion à domicile (Perfadom) entre l'association des pharmaciens de Liévin et le chef des urgences de l'hôpital de Béthune.
À l’époque, invités aux réunions de ce comité, les médecins de ville étaient peu nombreux. « Mais dès que nous avons abordé la question de la permanence des soins, et des solutions à trouver pour compenser le départ des médecins en retraite, ils s'y sont mis. Une fois l'idée de la CPTS lancée, ils ont été présents. Aujourd'hui, ils sont même au bureau », se félicite Sophie Sergent.
Marqueurs sanitaires au rouge
À ses côtés justement, le Dr Tayssir El Masri, médecin généraliste depuis vingt ans dans la commune et vice-président de l'association. Devant les 70 professionnels de santé venus écouter religieusement les explications, le médecin prend la parole : « L'objectif de la CPTS est d'identifier les problématiques de santé du territoire et de proposer des réponses. Qui mieux que nous pour le faire ? Chacun a ses compétences, son rôle. C'est ensemble que nous allons agir pour nos patients », résume-t-il devant une salle très attentive.
Le territoire choisi se situe au cœur du bassin minier. Il englobe dix communes de 70 000 habitants avec 300 professionnels de santé dont 80 médecins, 90 infirmiers, 26 pharmaciens, 50 kinés. « Ici, tous les marqueurs sanitaires sont au rouge. La population est en souffrance socio-économique et présente les pathologies les plus graves. Ce territoire souffre aussi de pénurie médicale. D'ici deux ans, cinq médecins vont partir à la retraite », confie le Dr El Masri.
La lutte contre le désert médical est donc l'un des enjeux prioritaires de la communauté. « Notre projet pourrait aboutir à un partage des compétences avec les infirmiers », explique le médecin qui évoque alors les protocoles de coopération. « Pourquoi ne pas prévoir par exemple des consultations d'infirmiers formés pour vérifier les protocoles de prévention ? »
Pour 2018, l'association a listé ses incontournables : création d'un premier répertoire de ses membres adhérents et d'un second recensant les offreurs de soins du territoire, formation interprofessionnelle et mise en place d'une messagerie sécurisée pour faciliter les échanges.
Pour 2019, l'association fourmille déjà d'idées : formation pluriprofessionnelle au repérage et dépistage de la fragilité de la personne âgée, création d'une équipe mobile de gériatrie, téléconsultations de médecine générale associant médecins généralistes, un EHPAD et l'unique clinique du territoire.
Éviter d'envoyer les patients aux urgences
Dans la salle, les infirmiers ne cachent pas leur enthousiasme. « Nous sommes favorables aux protocoles de soins car cela nous sécurise. Ce projet nous plaît ! Aujourd'hui, on rame à tisser ce lien avec les médecins, les pharmaciens, les kinésithérapeutes et l'hôpital alors qu'il est essentiel », se réjouit ainsi Alexandra Chedin.
Unanimes, plusieurs kinés, chirurgiens-dentistes et cadres hospitaliers saluent « l'excellent » travail de l'association. Échangeant ses coordonnées avec une psychologue, le Dr Cathy Deplanque, médecin généraliste à Liévin, se dit elle aussi convaincue. « La coordination va redynamiser notre territoire et pourra attirer plus de jeunes médecins. En tout cas, si cela permet déjà d'éviter d'envoyer les patients aux urgences, ce sera bien ».
Sophie Sergent espérait atteindre trente adhésions à l'issue de la soirée. Son vœu a été exaucé « Les médecins et les pharmaciens, respectivement douze et onze, sont les plus nombreux à adhérer. C'était loin d'être joué. Si nous arrivons à cinquante adhérents, nous aurons gagné le pari », assure la pharmacienne, non sans fierté.
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