Accaparé par la crise du Covid, Olivier Véran aurait-il mis entre parenthèses la réforme du système de soins ? À un an de la présidentielle, le locataire de l’avenue Duquesne, devenu ministre de la pandémie à 300 %, semble en effet absorbé par la gestion de la crise actuelle. Un repositionnement logique compte tenu de l’urgence de la situation mais paradoxal tout de même pour celui qui fut, en 2017, le principal inspirateur de la plateforme santé du candidat Macron. Reste à charge zéro, obligation vaccinale des enfants, assistants médicaux, expérimentations sur l'innovation… La plupart des réformes mises en place sous ce quinquennat ont été engagées par son prédécesseur, Agnès Buzyn. Celles sur lesquelles il a mis son coup de patte marchent pour l’heure cahin-caha : le Ségur de la santé patine, les négociations avec les libéraux sont en mode pause, et à l’Assemblée, la PPL Rist a dû ravaler une partie de ses ambitions, sur les transferts de compétences en particulier.
La dynamique réformatrice est-elle pour autant en panne ? Pas du tout. Simplement, elle emprunte des canaux plus informels et moins officiels. La télémédecine explose. 700 CPTS sont sorties de terre – une grande partie de l’Hexagone étant désormais couvert par ce dispositif. Et, en banlieue ou dans les zones rurales, le spectaculaire essor du salariat de médecins constaté çà et là n’entrave pas le développement parallèle des maisons de santé pluriprofessionnelles : le cap des 2 000 MSP pourrait être bientôt atteint.
Le changement prend aussi un visage plus libéral et entrepreneurial, mû par des acteurs privés qui n’ont souvent que quelques années d’existence. Notre enquête s’est intéressée cette semaine à ces « disrupteurs » qui réinventent l’accès aux soins. De Doctolib à Deuxiemeavis.fr en passant par Point Vision, ils n’ont pas toujours été accueillis à bras ouverts, par les historiques du secteur notamment. Leur stratégie, un rien intrusive, a pu inquiéter et leur déontologie interroger parfois. Mais s’ils sont encore là, c’est sans doute parce qu’ils répondent à des besoins qui n’étaient pas couverts, surfant sur le tout numérique pour réinventer la relation médecin/patient, abolissant les distances géographiques, aménageant des rendez-vous rapides là où il y avait des files d’attente ou proposant des nouveaux créneaux de consultation au-delà des heures ouvrables. Ils se sont imposés hors des sentiers battus. Avec une démarche transgressive qui rappelle au fond le culot des pionniers des cabinets de groupe ou des inventeurs de SOS médecins dans les années 1970. Deux concepts qui à l'époque n'allaient pas de soi et qui sont aujourd’hui devenus la norme. Mais les médecins gardaient encore la main sur le gouvernail.
Exergue : C'est le visage entreprenarial et libéral de la réforme, mu par de nouveaux acteurs de santé qui n'ont que quelques années d'existence
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