Le Généraliste. Quelle lecture faites-vous des programmes santé des candidats
à la primaire de droite ?
Pr Guy Vallancien Ils sont, à mon avis, très traditionnels, chaque candidat cherchant à récupérer les médecins. On n’est pas dans une vision à 10 ou 15 ans de ce qui va se passer en médecine ni ce qu’il va falloir impulser. Or, il y a deux choses essentielles. La première est la nécessité de passer d’une médecine à l’acte sans évaluation du résultat à un système où on évalue, à 3, 6 ans ou plus loin encore les traitements médicaux ou chirurgicaux.
Il faut absolument passer au « patient outcomes measurement » et à ses critères internationaux. Cela permet d’avoir des données fiables sur ce que fait une profession et sur les traitements qu’elle prescrit. C’est le meilleur déterminant médico-économique qu’on puisse avoir. Or il n’y a rien de ça dans les programmes.
La deuxième chose est de donner la primauté à la médecine générale. On est à peu près à 1 000 maisons de santé, il en faudrait 8 000 à 10 000 car c’est ça l’avenir. Il faut de véritables soins primaires pour le premier recours avec les généralistes et des tâches déléguées aux infirmières. Ils doivent être reliés au 2e degré, avec les spécialistes et les hôpitaux, puis au 3e degré avec la recherche dans les CHU.
Les propositions diffèrent-elles d’un candidat à l’autre ?
Pr G. V. Il n’y a globalement pas de grande différence entre eux sur la santé. Tous disent qu’il faut supprimer le tiers payant systématique et libérer l’hôpital de son carcan administratif en allant, par exemple, vers leur privatisation sous la forme d’établissements privés à but non lucratif affilié au secteur public. Sarkozy défend l’autonomie de l’hôpital, Fillon également, Juppé un peu moins, il est assez administration traditionnelle. Ils font souvent des grandes phrases, on n’est pas dans le détail. Pour l’instant, ils essaient de faire une mixture qui corresponde, à peu près, aux attentes de tout le monde. Ensuite, il faudra consulter les syndicats, les corporations…
Mais, globalement, si la santé est un thème majeur pour les Français, elle ne sera pas au centre des projets. La machine tourne malgré le déficit de la Sécurité sociale qu’on peut d’ailleurs résoudre si on s’y prend bien. Ce n’est pas un thème clivant, dans une campagne, donc ça va encore passer, comme à chaque fois, au second plan ou disparaître. Il ne se passera rien tant que la Sécurité sociale paiera.
Existe-t-il des vraies différences entre la droite et la gauche ?
Pr G. V. Ah oui, c’est très clair. Il y a quand même, à gauche, une volonté affichée d’étatisation, avec de plus en plus de médecins salariés et le souhait de créer un « National Health Service » (NHS) à la française. Même si le NHS est autant en déficit que notre système de soins, le gouvernement actuel est dans ce dogme. On le voit bien avec les groupements hospitaliers de territoire qui n’incluent ni les cliniques ni les libéraux. Tout va être dicté par le ministère et les acteurs n’auront pas la liberté d’inventer leur réseau tel qu’il leur apparaît utile, là où ils sont.
Comment se caractériserait, selon vous, une politique de droite ?
Pr G. V. L’État serait le garant de l’égalité et de la qualité d’accès aux soins mais en laissant faire les acteurs. Il faut régionaliser le système et transférer l’argent public national aux ARS.
C’est à cette échelle qu’on peut gérer efficacement un système de santé parce qu’on connaît le terrain, les acteurs, les traditions loco-régionales. Bien sûr, les épidémies traversent les frontières et restent une cause nationale tout comme le plan Cancer ou le plan Alzheimer. Dans ce schéma, on a créé un tsunami administratif, notamment en supprimant quasiment le ministère de la Santé.
* Professeur d’urologie, fondateur de CHAM (Convention on health analysis and management)
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