Il est deux heures du matin, ce 26 décembre, et Nicolas Perolat poursuit sa nuit de garde aux urgences pédiatriques de l’hôpital de Gonesse. L'interne en 5e semestre de médecine générale et sa chef doivent encore examiner une douzaine d’enfants.
Cette journée de fête va malheureusement mal se terminer. Fait rarissime dans un hôpital pour enfants où sur les murs, s'étalent des « dessins de licornes et de teletubbies », l’interne est victime d’une agression physique.
Nicolas sort d’une salle d’examen lorsqu’un homme l'interpelle : « Venez immédiatement voir mon fils, il a mal ». L’interne lui répond que l'enfant sera le prochain à rencontrer un médecin mais qu’il ne peut pas le voir immédiatement. Quelques secondes plus tard, il retourne chercher son téléphone portable oublié en salle d’examen. « En sortant, j’ai juste vu l’individu dans l’encadrement de la porte et après je ne me souviens de rien. »
Fracture du nez
L’interne reçoit un violent coup de poing au visage, tombe inconscient au sol. Il revient à lui quelques minutes plus tard sur un brancard, sans aucun souvenir de la scène. Après un scanner cérébral qui révéle une fracture du nez, il est hospitalisé pour la fin de la nuit puis examiné dans la matinée par un neurologue avant de pouvoir sortir. Accompagné par le directeur de sécurité de l’hôpital, Nicolas Perolat se rend au commissariat de police pour déposer plainte.
Il apprend par la police judiciaire que son agresseur, rapidement interpellé à l’hôpital et qui a reconnu les faits, va passer en comparution immédiate au tribunal de Pontoise. « Je n’avais jamais mis les pieds dans un tribunal et je ne savais pas comment cela allait se passer, confie le futur généraliste, qui se porte partie civile. Ancien membre de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), Nicolas connaît les arcanes du système de santé et prend contact avec un syndicat d’internes. Le lendemain, il se rend à l’audience accompagné par un ami avocat, l’avocat de l’hôpital, et la directrice de l’établissement, l’hôpital se joignant à la procédure.
Une sanction exemplaire
L’agresseur est condamné à 18 mois de prison dont 10 mois ferme avec exécution de peine immédiate. Une peine exemplaire, les juges ayant été plus sévères que les réquisitions du procureur.
« Je ne suis ni soulagé ni satisfait mais j’ai le sentiment que la justice a fait son job », commente Nicolas Perolat, heureux tout de même que cette étape soit passée. Aujourd’hui en France, un millier d’incidents (injures, menaces, agressions physiques) sont déclarés par des médecins à l’Ordre, soit trois par jour. Il y en a bien évidemment plus.
Après quelques jours de repos , Nicolas Perolat a accepté de revenir sur cet événement auprès du Généraliste. « C’est en partie une catharsis, mais je me sens aussi le devoir de témoigner pour dire au grand public que l’on ne frappe pas les soignants. Et je veux aussi m’adresser à mes confrères. Il y a eu une sanction exemplaire et je la vois comme un signal adressé à tous les soignants. Si vous êtes agressé, déclarez-le et portez plainte ! »
Nombreux soutiens
Opéré du nez, Nicolas a dû être arrêté un peu plus de deux semaines. L’interne a reçu le soutien de nombreux confrères, notamment sur les réseaux sociaux. « Cela m’a aidé mais il faudra que je me fasse accompagner. Cet épisode aura forcément des répercussions sur la suite de ma carrière. »
Cette première décision est pour moi et mes avocats un symbole. Le droit à été appliqué et la sanction a été forte.
— Nicolas Perolat ✏ (@N_Perolat) 27 décembre 2018
Chers SOIGNANTS ne perdez pas espoir il y a une justice.
Ce soir je vais aller dormir presque sereinement. Le contre coup psychologique arrivera assez tôt.
L'affaire n'est pas finie et doit être jugée au civil. Des dommages et intérêts ont été demandés. Nicolas doit subir une expertise médicale notamment pour évaluer les conséquences de ses fractures des os du nez.
S’il était survenu plus tôt, cet événement aurait sûrement entraîné une « remise en question » du jeune homme pour son avenir professionnel, concède-t-il. Mais l’amour du métier est plus fort. Quoi qu’il arrive, Nicolas Perolat sera médecin.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique