C’est l’histoire d’un généraliste d’Île-de-France qui réclamait au Conseil d’État d’annuler une décision ordinale prise en mai 2022 (confirmée en mars 2023), lui interdisant d’exercer sans nouvelle formation. C’est à cette date que l’Ordre national choisit en effet de suspendre ses droits d’exercer la médecine pour un an et demi et de conditionner son retour en activité à une obligation de formation. En cause : une « suspicion d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de sa profession ».
Dans sa décision en date du 5 juin 2024 récemment mise en ligne, le Conseil d’État a dit niet au médecin requérant. S’il veut un jour reprendre le chemin de son cabinet médical, le généraliste francilien devra bel et bien retourner sur les bancs de l’école.
Une « pratique ancienne » de la médecine, sans remise à niveau
En saisissant la plus haute juridiction administrative, le médecin réclamait l’annulation de la décision ordinale « pour excès de pouvoir » en argumentant sur trois points : une erreur de fait sur des dates, une erreur d’appréciation et une insuffisance de motivation sur le caractère « dangereux » de sa pratique. Les juges ont rejeté un à un ses arguments.
Les magistrats ont rappelé au praticien mécontent que la décision de l’Ordre ne sortait pas de nulle part. Elle se fondait au contraire sur un rapport « établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts ». Ce document a pour objet d’indiquer « les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique ».
Les experts, souligne le Conseil d’État, ont relevé « des erreurs dans les réponses aux vignettes cliniques qui témoignent d'une pratique ancienne sans réelle remise à niveau ni aucune réflexivité ». Ils ont donc fortement suggéré au principal concerné de mettre à jour ses connaissances sous la forme d'un stage de trois mois et d'un diplôme de formation continue en médecine générale d'une durée d'un an. Suggestion qui, selon les magistrats, semblait tout à fait de bon aloi mais que le médecin n’a pas assez prise au sérieux.
Frais de justice de 3 000 euros
Enfin, les juges ont fait un petit bond en arrière dans le temps pour répondre au médecin. En 2018, le généraliste a interrompu, contraint et forcé, son activité à la suite d’une procédure judiciaire. Il est devenu en conséquence aux yeux de l’Ordre médecin non exerçant.
Le professionnel francilien estime aujourd’hui que la décision d’alors de l’Ordre de le suspendre est irrecevable puisqu’il a continué à exercer en Israël entre 2018 et 2021. Il n’était donc pas « non exerçant ». Impitoyable, le Conseil d’État rejette cet argument au principe que « l'erreur de fait ainsi alléguée sur la base d'une information dont [le généraliste] n'avait nullement fait état devant les experts […] est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, qui se fonde sur le constat de son insuffisance professionnelle ».
Dès lors, le Conseil d’État a rejeté la requête du médecin, au principe qu’il n’était « pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ». Sans oublier de lui intimer l’ordre de verser 3 000 euros de frais de justice à l’Ordre.
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