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Exercice, rémunération : « Il faut dépoussiérer les règles du jeu ! »

Publié le 17/06/2019
debat jeunes

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le tourbillon de réformes engagées par l’exécutif devrait secouer à la fois les carrières et les statuts médicaux, censés être demain beaucoup plus souples et partagés entre la ville et l’hôpital, les modes de rémunération et l’exercice lui-même, Emmanuel Macron ayant décrété la fin de la médecine en solo à l’horizon 2022. Cette feuille de route convient-elle aux jeunes médecins ?

Pour Andry Rabiaza (CSMF), le regroupement, la coordination et la pluridisciplinarité sont bien des tendances lourdes car cette collégialité permet aux jeunes médecins de « trouver un équilibre » et d’éviter un exercice à temps plein « sept jours sur sept », pour privilégier des organisations « à la carte ». Côté rémunération toutefois, le médecin généraliste croit toujours aux vertus du paiement à l’acte prédominant qui assure selon lui « une certaine efficience du système de santé ».

Pour Yannick Schmitt (ReAGJIR), il manque encore à toutes les réformes en cours une « cohérence globale, un mode d’emploi ». « Il faudra actionner plusieurs manettes pour passer le cap difficile avec la perte de 1 000 généralistes par an jusqu’en 2025. Cela passe par un exercice coordonné et pluriprofessionnel qui soit aussi mieux rémunéré ». La réforme des statuts ? « Elle est devant nous ! », ajoute le généraliste, soulignant que le passage du libéral au salariat reste aujourd’hui très compliqué pour un médecin en raison des différences de protection sociale ou des contraintes administratives. 

Indépendance

Lucie Garcin (ISNAR-IMG) en est elle aussi convaincue : il faut « dépoussiérer les règles du jeu » de l’exercice dès lors que les jeunes réclament de la « mobilité, de la diversité et du changement dans leurs pratiques », en misant par exemple sur l’exercice mixte, « largement envisagé » par la jeune génération. Quant à l’interprofessionnalité, elle est « plébiscitée, pas forcément dans une maison de santé ou un centre de santé mais par exemple au sein d’une équipe de soins primaires ». En attendant, le constat de cette interne MG est implacable. « Avec le millefeuille administratif actuel, le libéral fait peur, l’installation en médecine générale, c’est mission impossible ! »

« Mais quel que soit le statut, la question de fond pour notre génération sera celle du contrôle de l’outil de travail », analyse Benoît Blaes (SNJMG). L’aspiration persistante (mais contrariée) des médecins vers le libéral serait d’ailleurs liée à cette volonté d’indépendance professionnelle. « Ce qui me paraît intéressant, c’est de voir comment on peut faire évoluer la rémunération des médecins pour servir ces grands enjeux : rester maître de son outil de travail, intégrer les autres professionnels à l’échelle territoriale, améliorer la santé des populations et faire davantage de prévention »

La sauvegarde de l’indépendance professionnelle, c’est effectivement la priorité des années à venir, martèle Emanuel Loeb (Jeunes médecins). Dans les établissements, il juge que la suppression du concours de PH, qui garantissait l’indépendance de pratique du praticien à l’hôpital via une procédure de nomination nationale, est préoccupante. Le jeune psychiatre craint également que la montée en puissance des plateformes numériques transforme les médecins en « de simples opérateurs d’une plateforme ou d’un réseau de soins »

En matière de défense professionnelle justement, l’intégration des syndicats de jeunes médecins (en tant qu’observateurs) aux négociations conventionnelles constitue-t-elle une avancée pour préparer les conditions d’exercice de demain ? « C’est un plus, assure Clara Bonnavion (ANEMF). Mais ces négos sont un grand théâtre. Et les décisions se prennent souvent ailleurs… »

Moins frileux que leurs aînés

Sur certains sujets néanmoins, il semble difficile d’accorder tous les violons médicaux. Il y a quelques mois, le syndicat ReAGJIR avait proposé d’interdire la possibilité de dépassements d’honoraires (tout en réévaluant certains actes). L'ISNAR-IMG va encore plus loin en défendant le principe d’un secteur tarifaire unique avec un « tiers payant généralisable avec un flux unique » de paiement, « sous condition de revalorisation des actes ». Une idée également soutenue par le SNJMG.

Défavorable à cette proposition de suppression du secteur à honoraires libres, Emanuel Loeb (Jeunes médecins) rappelle que certaines spécialités « ont été laminées par les décotes de tarifs », comme les biologistes ou les radiologues. Comment pousser les jeunes à l'installation dans ces conditions ? 

Dans un contexte financier très contraint pour l’assurance-maladie, Antoine Reydellet (ISNI) a une suggestion pour revaloriser les rémunérations : « Que les mutuelles, qui font des bénéfices, participent davantage à la solvabilisation des soins ». En revanche, il juge que le tiers payant « aboutira à une dévalorisation des actes en donnant le sentiment que tout est gratuit ».


Source : Le Quotidien du médecin: 9758