Contraindre les jeunes généralistes à effectuer leur première année d'exercice en territoire sous-médicalisé, un remède contre les déserts médicaux ? C'est en tout cas l'avis bien tranché du Dr Patrick Laine, médecin de famille à Saulnot, bourg de 800 habitants en Haute-Saône, qui a lancé une pétition inhabituelle en ce sens.
Signée par près de 300 personnes et adressée à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, la pétition propose d'aller plus loin que « les politiques d’incitation à l’installation et d’aménagement du territoire » et inventorie plusieurs mesures pour traiter « l'urgence » des déserts médicaux.
Obligation de service
La plus spectaculaire fera forcément débat dans la profession puisque le Dr Laine recommande une contrainte (temporaire) d'installation pour les nouveaux généralistes. Il préconise ainsi de créer une « obligation de service d’intérêt public » d’un an dans les territoires sous-dotés, pour les jeunes généralistes nouvellement inscrits à l’Ordre des médecins, avant leur libre installation. Il s’agirait « d’un service civique, mais rémunéré à plein tarif », pour répondre à la « légitime attente » de la population. Objectif : stabiliser la présence médicale et des autres professionnels de santé dans ces territoires fragiles.
« Si on ne fait pas ce genre de choses, il y a des pans de personnes qui vont se retrouver sans médecin, et là, on ne répond pas au pacte républicain, explique le Dr Patrick Laine face aux caméras de France 2, qui vient de lui consacrer un sujet, dimanche 10 mars. Je soigne quatre générations, il y a des gens que je suis obligé d'aller voir chez eux car ils ne peuvent plus se déplacer. Et ces gens-là, qu'est-ce qu'ils vont devenir ? Je ne sais pas. »
Le médecin de famille sait fort bien de quoi il parle : depuis 2016, il cherche en vain un successeur pour reprendre son cabinet. Il avait même posté une annonce sur Leboncoin, où il proposait de céder son matériel médical et informatique, une histoire racontée il y a deux ans par « Le Quotidien ».
Fibre optique et bourses anti-déserts
Au-delà, le médecin se prononce pour une régulation des installations, « même si cela contrarie l’Ordre des Médecins », sur le modèle des dispositions qui régissent déjà la répartition des autres professions de santé « à commencer par les pharmaciens afin de privilégier les installations dans les territoires sous dotés ».
Le généraliste défend aussi la contractualisation avec des étudiants (volontaires cette fois) qui recevraient « une bourse d’étude conséquente » en échange d'une installation en zone sous-dotée, pour une durée équivalente à celle de la perception de cette allocation. Un principe déjà appliqué sous la forme des contrats d'engagement de service public (CESP).
Ne craint-il pas une levée de boucliers de ses confrères, notamment de la nouvelle génération ? « Les médecins sont aussi redevables des contribuables qui financent leurs coûteuses études, argumente le généraliste dans sa pétition. Et leur exercice est solvabilisé par nos cotisations sociales. »
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