Quels sont, selon vous, les grands principes de la prise en charge d’un patient en téléconsultation ?
Dr François Lacoin : Le principe numéro un, c’est la prudence. Ce n’est pas parce qu’un patient fait le choix d’une téléconsultation qu’il s’agit d’une situation bénigne. Au contraire, s’il ne se déplace pas, c’est peut-être qu’il n’est pas en état de le faire. Il faut donc se méfier : certaines demandes de téléconsultation peuvent relever du 15. D’où l’importance de faire systématiquement préciser au patient pourquoi il a fait le choix de ce mode de consultation. Il faut aussi être vigilant en termes de communication car, en téléconsultation, il nous manque un certain nombre de canaux d’expression habituels. Ce qui implique de faire préciser le sens des mots et d’être très attentif à ce que peut nous montrer le patient. En écoutant, en regardant bien, on a déjà beaucoup d’informations… Nous le savons bien, en tant que généralistes, à l’issue de l’interrogatoire et de l’observation du patient, on a déjà une idée diagnostique dans 80 % des cas, l’examen clinique ne faisant que confirmer notre hypothèse. Ceci dit, même s’il est incomplet, le temps de l’examen clinique doit faire partie intégrante de la téléconsultation. En faisant bouger les gens, en les faisant respirer, compter, on peut déjà constater un certain nombre de choses.
Y a-t-il, selon vous, des pathologies qui ne relèvent pas de la téléconsultation ?
Dr F. L. : Il y a, bien sûr, des situations pour lesquelles la téléconsultation ne sera pas adaptée car on va avoir du mal à se passer de l’examen clinique, comme en gynécologie. Mais je ne pense pas qu’il y ait des pathologies qui contre-indiquent d’emblée cette pratique. Et, en fait, la question ne se pose pas en ces termes car le patient demande une téléconsultation et on ne sait pas d’emblée si cela est adapté. On peut, en revanche, s’apercevoir assez vite qu’il va falloir voir le patient et, dans ce cas, on rectifie le tir. Pour autant, je pense qu’on peut finalement aller assez loin en téléconsultation, même pour des situations qui peuvent sembler a priori ne pas en relever. Dans la dyspnée, par exemple, on s’aperçoit qu’on va pouvoir évaluer la situation, orienter le patient, prendre des décisions… Un peu comme en régulation où beaucoup d’appels ne vont pas déboucher sur un passage aux urgences ou une consultation immédiate.
Comment optimiser la pratique de la téléconsultation ? Faut-il promouvoir l’utilisation de matériel dédié ? Inventer une sémiologie spécifique ?
Dr F. L. : Je pense qu’il faut remettre en avant la sémiologie tout court. Aujourd’hui, on en fait de moins en moins au profit de la technologie et des examens complémentaires. Or la sémiologie a toute sa place en téléconsultation. Quant à l’utilisation de matériel dédié, qu’on le veuille ou non, cela va se développer et il faut l’anticiper. Il y a de nombreux outils connectés (comme le stéthoscope, l’otoscope, le tensiomètre, l’ECG, voire l’échographie) qui peuvent rendre service et permettre de faire de la qualité à distance. À condition d’avoir du personnel formé et que le matériel soit utilisé dans un contexte précis et non pour développer des cabines de téléconsultation n’importe où. Par exemple dans le cadre d’une CPTS, pour les personnes âgées isolées ne pouvant pas se déplacer, ou encore en Ehpad. De façon générale, il y a, à mon avis, un vrai avenir pour la téléconsultation mais à condition de la concevoir comme un plus intégré au parcours habituel d’un patient connu.
Propos reccueillis par Bénédicte Gatin
*Téléconsultations en médecine générale, 50 situations courantes, ouvrage collectif, éditions Maloine, 300 p, 35 euros
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