LE QUOTIDIEN : Michel Barnier avait promis une loi infirmière. Votre proposition de loi sur cette profession constitue-t-elle la réponse à cette annonce ?
FRÉDÉRIC VALLETOUX : Je n’ai pas eu d’échange avec le gouvernement actuel à ce sujet. Juste avant la dissolution de l’Assemblée nationale, je m’étais engagé à présenter ce texte, fruit d’un travail lancé par François Braun pour faire avancer les évolutions du métier infirmier. J’ai noté que le Premier ministre avait repris cette idée dans son discours de politique générale. La proposition de loi que j’ai déposée avec la députée Nicole Dubré-Chirat peut en effet servir de véhicule législatif pour ouvrir la discussion et permettre ensuite au gouvernement de l’enrichir par les amendements s’il souhaite aller encore plus loin.
J’entends toujours le même débat posé de façon caricaturale !
Le premier article redéfinit la profession d’infirmier avec la réalisation des soins et leur évaluation. De quels soins s’agit-il ?
En tant que législateur, nous posons le cadre avec des principes. Ce n’est pas à la loi de définir ces soins. J’entends toujours le même débat posé de façon caricaturale ! C’est parce qu’on veut mieux reconnaître la place et le rôle des paramédicaux qu’on viendrait donner des coups de canifs ou fragiliser celui des médecins. Ce n’est pas du tout l’objectif recherché. Au contraire, nous souhaitons conforter le rôle du médecin traitant et la place des infirmiers, à ses côtés. J’ajoute que ce n’est pas à la loi de définir cette complémentarité ; ce sera un exercice réglementaire et en lien avec les autorités médicales notamment l’Académie de médecine.
Cette complémentarité pourrait-elle aboutir à un accès direct donné aux infirmiers diplômés d’État ?
Oui, pourquoi pas ? Cela dépend du type de soins. Pour des suivis de patients, d’hospitalisation ou des actes réalisés déjà par des infirmiers, il n’est peut-être pas utile de faire repasser par un médecin. On peut imaginer, pour des choses simples à définir, un accès direct qui se fera toujours avec l’information du médecin traitant et surtout dans le cadre de l’exercice coordonné, au sein des maisons de santé par exemple.
Le texte introduit la notion de « consultation infirmière », en lien avec le diagnostic posé par l’infirmier. Pourquoi ?
Il est important d’inscrire dans la loi la création de la consultation infirmière. C’est un élément fort de reconnaissance de ce métier, au côté des médecins, dans un système de soins qui fait davantage de place aux délégations de tâches et à des complémentarités plus fortes qu’il y a quelques années.
Je pense que la grande majorité des médecins, convaincus de l’apport de ces professionnelles grâce à leur savoir-faire propre, sont en réalité favorables à ces évolutions. Il faudra convaincre une minorité de praticiens qui a toujours résisté à tout changement. En tout cas, la discussion que nous avons avec les infirmiers vise à rendre possible les coopérations. Je le redis : c’est ce que font déjà ces professionnelles dans les territoires pour assurer un certain nombre de suivis de malades chroniques. Elles ne le font jamais seules, dans leur coin, mais toujours en lien avec les médecins.
Vous proposez que les infirmiers puissent prescrire des médicaments ou des examens médicaux. N’est-on pas là clairement dans le champ médical ?
La loi propose d’ouvrir ces perspectives pour que, justement, les représentants des médecins et des infirmiers échangent entre eux pour définir, encadrer et préciser leurs champs de coopération, de partage des compétences, d’intervention respective, afin de voir là où ils sont le plus utiles et efficaces pour avancer. Ce texte doit permettre aux deux professions de travailler ensemble. Je fais confiance au dialogue. Les infirmières réclament davantage d’autonomie dans leur exercice ? Je l’entends. Mais on ne soigne pas et on ne soignera jamais sans médecins.
Certes, mais la multiplication des prescripteurs n’est-elle pas un danger pour la pertinence des soins ?
On n’ouvrira pas un droit de prescription libre et sur n’importe quoi ! Il conviendra là aussi d’encadrer et de définir ce qui est derrière cette prescription. La loi que je propose ouvre des champs de coopération nouveaux. Encore faut-il travailler sur le plan réglementaire et conventionnel…
Vous voulez aussi faire évoluer la pratique infirmière avancée, en PMI, en santé scolaire et pour l’aide sociale à l’enfance. Est-ce pour répondre à la pénurie médicale ?
Absolument ! Il y a des besoins majeurs car il existe beaucoup de structures qui ont peu ou plus du tout de médecins. Ce qui provoque un niveau important de renoncement de soins. À partir de là, il faut trouver des solutions avec des professionnels disponibles, capables de détecter, de repérer et de prendre en charge les patients.
Est-ce une révolution dans la prise en charge des soins primaires que vous entreprenez ?
Il s’agit plutôt d’une évolution et non d’une révolution car le médecin restera le prescripteur de référence. C’est autour de lui que s’organisera la prise en charge. Pousser à reconnaître les compétences d’autres professions ne revient pas à organiser une sous-médecine. Ce n’est pas du tout cette idée ! Il ne faut pas avoir peur de la montée en reconnaissance de professionnels qui, de toute façon, n’interviendront que dans le cadre de protocoles discutés et négociés avec les médecins et dans une perspective où les praticiens demeurent le chef d’orchestre de l’équipe de soins. Je pense que ce texte recueillera un assentiment large auprès d’un grand nombre de groupes politiques à l’Assemblée nationale.
Article suivant
La MSA mise déjà sur les délégations
Frédéric Valletoux : « Il est important d’inscrire dans la loi la création de la consultation infirmière »
La MSA mise déjà sur les délégations
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique
« Cela correspond totalement à mes valeurs », témoigne la Dr Boizard, volontaire de Médecins solidaires
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne