Le ton alarmiste du courrier envoyé en début de semaine à ses troupes par le premier syndicat de médecins spécialistes libéraux – « lettre de mobilisation » – se veut à la hauteur de la menace. « L’heure est grave », attaque le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé, qui voit dans le projet de budget de la Sécu (PLFSS 2026) un texte à la fois « régressif et punitif » pour la médecine spécialisée libérale.
Le bureau du syndicat estime que le temps de la riposte professionnelle est venu car « le discours et le portage d’amendements ne suffisent plus ». « Il est temps de montrer les crocs », confie le Dr Gasser au Quotidien, qui mise sur un plan d’actions coordonnées et progressives.
Première salve
D’ores et déjà, à compter du samedi 1er novembre, la centrale a décidé d’appeler les spécialistes à une grève de la permanence des soins en établissements (PDSES), « en solidarité avec nos confrères radiologues ». Parallèlement, Avenir Spé appelle au « désengagement collectif » de l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) pour les praticiens en secteur 2 et au « gel de l’alimentation du DMP ». Ce n’est pas tout : la « suspension de tout projet national ou régional » est aussi à l’ordre du jour : équipes de soins spécialisées, cabinets secondaires, plateformes et autres expérimentations ayant trait à l’accès aux soins. Enfin, le syndicat tend la main à la jeune génération et invite les internes, les chefs de clinique et assistants à les rejoindre « dans un mouvement large de revendications coordonnées ».
Et ceci « n’est qu’une première salve », poursuit le gastroentérologue de Nantes, assurant être pleinement conscient des difficultés financières que traverse le pays et du déficit abyssal du système de santé. Mais, martèle-t-il à nouveau, « le projet de PLFSS 2026, tel qu’il est présenté, est un texte de régression ».
Socle conventionnel écorné
Au rang des principaux griefs figure le « plan imagerie » imposant 300 millions d’euros d’économies, qui risque de toucher plusieurs spécialités dont la radiologie au premier chef. Crainte aussi au sujet de l’Ondam « soins de ville » fixé à 0,9 %, une évolution du budget dédié particulièrement faible, « sans rapport avec l’inflation des charges et des coûts ».
Les inquiétudes se concentrent aussi sur l’avenir du secteur à honoraires libres, dans la foulée de la mission parlementaire jugée « hors sol » qui a proposé un plafonnement strict du secteur 2 et de rendre obligatoire l’Optam pour les nouveaux praticiens souhaitant un espace de liberté tarifaire.
In fine, ce PLFSS en l’état « acte des choix politiques qui fragilisent profondément l’exercice de la médecine spécialisée et particulièrement libérale », synthétise le Dr Gasser. Et de citer un dernier exemple, en l’occurrence les pénalités envisagées pour non-alimentation du DMP, alors que son déploiement n’est pas totalement effectif ni opérationnel… De quoi fragiliser au passage la convention, qui régit les affaires de la médecine libérale. « Le socle conventionnel demeure pourtant le seul lieu légitime de concertation entre l’État et les représentants des médecins », recadre Avenir Spé.
Décotes, à qui le tour ?
Compte tenu des économies imposées par l’exécutif, le Dr Gasser s’interroge, faussement ingénu : « A-t-on encore besoin d’une convention médicale ? C’est la question qui se pose ». Actuellement, illustre-t-il, c’est la radiologie qui est d’abord visée, mais aussi la radiothérapie (pour 100 millions d’euros), la dialyse (20 millions) ainsi que la cardiologie. Mais demain, « ce sera au tour de qui d’être victime ? ». « Déjà, les rhumatologues et les médecins vasculaires sont potentiellement concernés. C’est pour cela que nous disons stop ! », précise le chef de file d’Avenir Spé.
A-t-on besoin d’une convention ? C’est la question qui se pose
Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé
De fait, le Syndicat national des médecins vasculaires (SNMV) vient d’alerter à son tour sur les « coups de rabot » dans les tuyaux qui, selon lui, menacent la « survie de la spécialité » comptant 2 000 praticiens dont près de 1 800 exercent en libéral. Et de citer quelques exemples : « Acte urgent de recherche de phlébite, valorisé 86,16 € en 2004, il serait ramené à 64,26 € en 2026. Est-ce un mauvais rêve ? Examen des artères carotides, essentiel à la prévention, au diagnostic et à la prise en charge des AVC : valorisé 92 € en 1990, il serait abaissé à 64,69 € en 2026 » Le syndicat en appelle à la Cnam pour reconsidérer « ces baisses tarifaires injustes » qui frapperaient une spécialité dont les honoraires n’ont pas connu de revalorisation depuis plus de 30 ans.
 
                        
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