LE QUOTIDIEN : Le Premier ministre, Michel Barnier, a promis la généralisation du service d’accès aux soins (SAS) à la fin de l’année. Vous y croyez ?
DR YANNICK FREZET : J’y crois d’autant plus que c’était un cadre défini par le président de la République il y a deux ans. J’ai participé à la mission pour accompagner cet objectif de cette généralisation. Le but de notre travail était d’aider les territoires à s’organiser tant pour les Samu que pour la médecine libérale. Il a fallu motiver les forces vives. À force de retours d’expérience, de communication, on y arrive. Depuis deux ans, les libéraux se sont structurés et participent à l’effort de guerre. Ils avancent très vite mais il va forcément rester des zones blanches.
Quelles sont les difficultés identifiées ?
La réorganisation intrahospitalière a été complexe. Les établissements ont été confrontés à des difficultés pour changer leurs outils numériques mais aussi pour recruter et former du personnel, comme les assistants de régulation (ARM), désormais obligatoires. Cela a été extrêmement compliqué et réclame encore aujourd’hui du temps. Former un ARM prend un an et changer un logiciel entre six et huit mois.
Du côté des médecins libéraux, il y a deux niveaux de fragilité. Côté régulation libérale, trouver les ressources, c’est difficile. Lorsque le médecin titulaire fait de la régulation, il ne peut pas prendre de remplaçant dans son cabinet car la loi l’interdit. Quel est l’intérêt pour lui de fermer son cabinet et de laisser ses patients pour aller réguler ?
La deuxième fragilité concerne les effecteurs. Là aussi, il faut trouver des docteurs. Comment en recruter alors que nos plannings sont déjà surchargés ? Quand vous allez dans le Cantal, où il n’y a qu’un généraliste pour quatre cantons, cela ne peut pas marcher.
Cet été, le décret SAS a pourtant fait bouger les lignes…
Ce décret a en effet étendu le dispositif aux docteurs juniors, dont la première promotion va sortir dans deux ans, aux remplaçants et aux médecins en cumul emploi-retraite. Mais on a beau publier dix décrets, cela ne sert à rien s’il n’y a pas de ressources. Le SAS a certes permis de répondre aux problématiques des soins non programmés. C’est un point positif grâce à l’investissement de tous, tant hospitaliers que libéraux. Mais il y a pour moi une réflexion parallèle sur la formation initiale, en adaptant les effectifs à former en fonction des besoins démographiques.
Le financement est-il un frein à l’investissement des libéraux ?
L’incitation financière n’est pas un argument premier, loin de là. Avec les mesures Braun de 2022, les médecins perçoivent une majoration de 15 euros pour les patients réadressés par la régulation médicale SAS et une incitation de 1 400 euros par an pour l’inscription à la plateforme nationale SAS [puis 1 000 euros à compter de 2026, NDLR]. Malgré cela, il a fallu s’employer plus que de raison pour faire venir nos confrères soit à la régulation, soit à l’effection libérale.
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