La prise en charge de la santé des LGBTI est-elle aujourd’hui discutée ?
Arnaud Alessandrin Pour l’ensemble des “minorités”, tant que l’égalité citoyenne n’est pas atteinte, la santé demeure au second plan. Pour les LGBTI également, la lutte spécifique, prépondérante, en faveur des personnes atteintes du VIH a aussi escamoté le reste. Aujourd’hui, l’essentiel des recherches concerne les hommes gays, au mieux les lesbiennes, et sont souvent étrangères.
Un patient LGBTI sur deux se serait déjà senti discriminé dans le parcours de soins, selon votre étude...
A. A. Très majoritairement, ils se confrontent aux préjugés et aux stéréotypes, peuvent alors perdre confiance, devenir suspicieux, s’éloigner des soins. La Manif pour tous a très peu donné à voir le monde médical du côté des minorités LGBTI, qui entretiennent historiquement avec lui une relation teintée de suspicion. D’où une forte appréhension, particulièrement pour les gays et lesbiennes, à évoquer leur santé sexuelle et reproductive (VIH, hépatite ou PMA) avec le généraliste. La confiance est mise en péril lorsque le soignant part du principe que le patient est hétérosexuel ou cisgenre. Ces représentations hétéronormatives, erronées concernant les patients LGBTI, décrédibilisent le professionnel à leurs yeux : ils ne peuvent plus croire en son aptitude à trouver le bon traitement.
Et pour les trans et intersexes ?
A. A. De leur côté, les personnes trans et intersexes se confrontent à l’incompréhension et l’ignorance des médecins, dont les formations sont pathologisantes. Le vocabulaire est souvent inadapté et les possibilités de prise en charge très limitées. Que ce soit pour une hormonothérapie ou la santé du quotidien, les trans qui consultent sont trop souvent renvoyés vers des psychiatres. Ce préjugé d’une maladie psy a des effets concrets sur leurs parcours de santé.
Dans le colloque singulier, doivent-ils être considérés comme des patients comme les autres ?
A. A. C’est la question centrale de l’ensemble des discriminations. Les personnes discriminées ou discriminables veulent être traitées comme tout le monde et en même temps être prises en considération dans leur spécificité. C’est-à-dire pour leur pathologie, mais aussi pour des caractéristiques comme l’âge, ou justement l’identité de genre ou de sexualité.
* Financée par la Direction interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie (DILCRAH) pour l’association de la Lutte contre les discriminations (LCD)
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