Covid-19, les étudiants au cœur de la crise : « Nous avons fait notre boulot, comme les caissiers, les éboueurs… »

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Publié le 07/05/2020

Internes et externes se sont eux aussi mobilisés pour lutter contre le coronavirus. Dans le cadre de notre dossier « Coronavirus : les étudiants en médecine au cœur de la crise » (Le Généraliste n°2910), nous avons interrogé des étudiants en médecine sur leur expérience. Voici le témoignage d'Etienne Massin, interne de médecine générale en 2e année à Lyon.

« Je suis actuellement en stage en ambulatoire dans la Drôme, sur trois cabinets de médecine générale : un à Romans-sur-Isère, un à Crest et l’autre à Bourdeaux. En tant qu’interne en médecine générale en ambulatoire, la première question était de savoir si j’allais pouvoir être utile en cabinet. L’interrogation portait aussi sur le fait d’être deux en consultation : est-ce que cela représente plus de risques ? Est-ce qu’on n’utilise pas le double de protection pour rien ?

En renfort dans un hôpital de proximité J’ai continué à aller toutes les semaines sur un des trois cabinets, où l’activité a très peu faibli. Je m’occupais des patients Covid. Dans les autres cabinets, mes maîtres de stage m’ont dit qu’ils n’avaient pas forcément besoin de moi et qu’il était plus pertinent que j’aille apporter mon aide à l’hôpital. Il y avait un réel besoin de renfort sur l’hôpital de Trevoux, où je prenais déjà des gardes auparavant. C’est un petit hôpital de proximité qui n’a pas d’internes, et face à l’ouverture de deux filières Covid, la chef a fait appel à nous pour reprendre des gardes. Il n’y a pas d’urgences là-bas. Pour le Covid, l’hôpital gérait des hospitalisations post-critiques ou de patients en limitation thérapeutique, qui ne sont pas « éligibles » à une réanimation, une intubation, un passage en soins intensifs, etc. 

Remise en question Cette situation fait naître beaucoup de réflexions sur le rôle de soignant. Notamment quand nous voyons des patients Covid qui ne vont pas bien et que les familles ne peuvent pas aller voir. Ils n’ont que les soignants auprès d’eux et nous sommes leur seul lien avec les familles. Ce genre de situation est prenante. Nous nous posons des questions sur les autres, mais aussi sur nos proches ou nos co-internes, sur la sécurité de tous. C’est une période de remise en question : sur soi-même, notre métier, notre façon d’accompagner les patients, les familles. Ces réflexions peuvent être en même temps assez anxiogènes. Nous aimerions faire plus que notre simple boulot et déplacer des montagnes. Nous ne sommes pas des héros, nous avons fait notre boulot, comme les caissiers, les éboueurs, les pompiers, etc. Lorsque nous avons choisi médecine, nous savions à quoi nous nous exposions, même si nous n’avions pas conscience de l’étendue du risque. Il est fondamental de se poser les bonnes questions et de penser à l’après-crise, de savoir vers quel système de santé nous voulons nous diriger. »


Source : lequotidiendumedecin.fr