Les tutorats, catalyseurs de réussite dans un univers sélectif

Publié le 12/12/2025
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Bien ancrés dans le paysage universitaire, les 38 tutorats continuent d’innover pour épauler gratuitement les étudiants pendant leur première année d’études de santé, et parfois même dès le lycée. Certains comme ceux de Nancy, Clermont-Ferrand et Dijon s’illustrent par la qualité et l’originalité de leurs projets.

Le tutorat de Dijon joint l’utile à l’agréable : en plus des cours et du parrainage, il propose une préparation mentale, des séances de sophrologie ou de sport

Le tutorat de Dijon joint l’utile à l’agréable : en plus des cours et du parrainage, il propose une préparation mentale, des séances de sophrologie ou de sport
Crédit photo : DR

Le plus souvent en deuxième ou troisième année d’études de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie ou kiné, ils sont généralement près d’une centaine dans les facultés de santé à bichonner les étudiants en première année de PASS ou de L.AS. Soirées Mario Kart, jeux de société, tournois sportifs, goûter, crêpes party : la créativité est au rendez-vous pour joindre l’utile à l’agréable. « Tout ce qui tourne autour de la nourriture, ça marche très bien », s’amuse Téo Mauguil, vice-président chargé des tutorats d’entrée à l’Anemf.

Derrière ces événements qui paraissent anecdotiques se cache une volonté de créer du lien et d’accompagner les étudiants vers la réussite dans un cursus qui reste très sélectif. « Notre mission est de permettre à tous d’accéder aux études de santé en respectant l’égalité des chances, résume Téo Mauguil. Les services des tutorats sont donc gratuits ou quasiment gratuits [entre 5 et 16 euros en moyenne, NDLR]. » À l’heure où les prépas privées, très onéreuses (4 320 à 7 735 euros en moyenne par an, d’après l’Anemf) continuent de faire recette, parfois dès le lycée, les quelque 38 tutorats répartis partout en France jouent la carte de la convivialité. Et ça marche !

La soirée qui fonctionne le mieux, c’est celle qu’on organise sur l’anatomie parce qu’on fait des dissections

Marie Bernardi, présidente du tutorat Santé Lorraine

« La soirée qui fonctionne le mieux, c’est celle qu’on organise sur l’anatomie parce qu’on fait des dissections », raconte Marie Bernardi, présidente du tutorat Santé Lorraine. Sur les sites de Nancy et Metz, le tutorat accompagne pas moins de 1 300 étudiants en PASS et L.AS. Chaque semaine, deux séances d’entraînement – les colles –, sont organisées et un examen blanc est proposé tous les mois pour chaque matière. « Les profs nous aident à rédiger les QCM, à les corriger et les épreuves sont classantes, ce qui permet d’avoir une bonne idée de son niveau avant l’examen, le vrai, en décembre. »

Révisions, fiches de cours, annales, la majorité des tutorats ont développé une pédagogie solide. Mais en Lorraine, le tutorat s’invite… dès les classes de première et terminale ! « Cela fait plusieurs années qu’on a mis en place Tut’prépares, explique Marie Bernardi. Dès le mois de décembre, on leur fournit des cours en maths, physique, chimie, SVT et philo, sur des notions étudiées au lycée et revues en première année. » La nouveauté, ce sont les cahiers de vacances qui permettent de réviser toutes les disciplines. « Ils peuvent aussi participer à des cours de PASS, en immersion et nous leur proposons des ateliers d’orientation pour leur présenter les filières en santé. » Un temps est dédié exclusivement aux parents pour « les rassurer vis-à-vis de Parcoursup ».

D’après l’Anemf, le rôle des tutorats auprès des lycéens est devenu incontournable. « Avec une telle diversité de parcours proposés, PASS, LAS, licence sciences pour la santé, c’est important de leur présenter les différentes filières auxquelles ils ont accès », détaille Téo Mauguil. Les tuteurs se déplacent sur les salons d’orientation mais aussi directement dans les lycées pour répondre aux questions.

Accompagner les réorientations

Mais parfois, cela ne suffit pas. « Les places restent limitées pour accéder en deuxième année, notre rôle, c’est aussi d’accompagner les étudiants dans leur réorientation », poursuit le vice-président de l’Anemf. Le tutorat de Clermont-Ferrand, ACTES, a ainsi mis en place le Tut’Passerelles. Chaque année, dans toutes les fac de santé, 5 % d’étudiants intègrent les filières sélectives MMOP [médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie], en réorientation. « Personne ne s’occupe d’eux… sauf les prépas privées. Alors j’ai proposé ce service au tutorat l’année dernière et il a tout de suite été accueilli à bras ouverts », lance Manon Langlois, anciennement kiné et aujourd’hui « passerellienne » en troisième année de médecine, responsable de Tut’Passerelles. Le tutorat est encore plus personnalisé que pour les étudiants en PASS-L.AS car les conditions d’admission dépendent surtout de la motivation. « On leur propose différentes séances pour leur expliquer la procédure de la passerelle, comment se déroule la sélection, comment se préparer à l’oral, de quels financements ils peuvent bénéficier, comment présenter son projet professionnel, précise Manon Langlois. Et même si l’admission reste assez opaque, avec nos expériences en tant que tuteurs et passerelliens, on a établi une grille de critères pour que leur candidature soit retenue. »

Une cinquantaine d’étudiants – paramédicaux, diplômés de master ou d’une autre filière de santé – participent ainsi à ce tutorat particulier. Avec des résultats probants : « L’année dernière, 12 passerelliens sur 13 avaient suivi le tutorat. » Pendant les séances, les tuteurs abordent aussi les difficultés auxquelles ces étudiants en réorientation risquent de faire face : se retrouver dans une promo très jeune, reprendre des cours particulièrement denses et une formation longue. « On est aussi là pour leur parler des cursus et des stages parce qu’ils ne s’imaginent pas toujours ce qui les attend, admet la responsable clermontoise. Mais ce sont surtout les moments de cohésion qui sont importants, on veut qu’ils se créent un réseau. »

Éviter l’isolement

C’est ce volet solidaire qui a été le plus développé ces dernières années. « Les tutorats sont là pour répondre aux lacunes de l’université : on sait que la première année d’études de santé est très stressante et c’est pour cela qu’il faut développer ces initiatives en lien avec le bien-être. Notre but est de faire en sorte que les étudiants ne soient pas isolés pendant cette année où tout est nouveau », insiste Téo Mauguil.

 Selon l’Anemf, 88 % des étudiants en PASS s’inscrivent au tutorat au premier semestre (76,5 % en L.AS) mais seulement une minorité s’intéresse aux activités dédiées au bien-être. « Les étudiants ont beaucoup de mal à penser à eux, on a beau leur dire, ils ne s’en rendent compte plus tard », renchérit Dorine Daroux, vice-présidente en charge de la communication au tutorat de Dijon. Ici, la cohésion commence dès la pré-rentrée, en août. « Le midi, les tuteurs emmènent les étudiants au RU pour qu’ils découvrent les lieux mais aussi pour apprendre à se connaître. Il faut leur montrer que c’est important de prendre soin de soi pour réussir. » En plus du parrainage, le tutorat propose une préparation mentale, des séances de sophrologie, d’aquarelle, de sport. « On a aussi des massages post-colles organisés par les étudiants en kiné et des aprèm-cafet’ où… on mange des crêpes ! », énumère Dorine Daroux.

Les tuteurs sont formés aux premiers secours en santé mentale et de nombreux tutorats ont développé des lignes d’écoute pour repérer les signes de fragilité et rediriger les étudiants vulnérables, notamment au moment des examens. Avant Noël, le tutorat dijonnais anticipe les coups de mou avec un calendrier de l’Avent spécial révisions. Selon l’Anemf, près de 93 % des étudiants inscrits en deuxième année de santé ont bénéficié du tutorat en PASS ou L.AS. Une preuve que la recette fonctionne.

Pauline Bluteau

Source : Le Quotidien du Médecin