Ils avaient 70 et 72 ans. Odette était en bonne santé et ne se plaignait que de douleurs rhumatismales épisodiques, toujours de bonne humeur et un charmant petit accent méridional.
Paul avait de simples problèmes de prostate liés à l’âge mais il était devenu plus renfrogné et anxieux depuis la découverte d’une DMLA deux ans plus tôt. Il n’était encore que peu handicapé par cette affection mais envisageait l’avenir avec effroi.
Ils venaient me consulter tous les trois mois, toujours ensemble et paraissaient inséparables et encore très amoureux. Ils ne m’appelaient que très rarement chez eux mais, un jour de début de printemps, ils avaient programmé une visite plusieurs jours à l’avance. Lorsque je m’y rendis, je fus très surpris de trouver porte close. Personne ne répondait à mes coups de sonnette de plus en plus rageurs. Les volets étaient pourtant ouverts.
Main dans la main
Je descendis dans le jardin, fit le tour de la maison et, en passant devant la porte du garage attenant, fut surpris d’entendre un bruit de moteur. Je tambourinais : rien, aucune réponse ! Désemparé et inquiet j’allais chez les voisins : ils n’avaient rien remarqué de particulier mais m’assurèrent que Paul et Odette étaient bien chez eux la veille…
Je finis par appeler les pompiers. Ils arrivèrent vite et défoncèrent la porte du garage : la voiture était effectivement en marche et Odette et Paul étaient allongés sous le pot d’échappement, sur une couverture, main dans la main, morts tous les deux.
La police arriva, on ouvrit la maison et on trouva deux lettres. Une pour leurs enfants et une pour moi où il était inscrit : excusez-nous Docteur mais on voulait que ce soit vous qui nous trouviez…
Je ne pus retenir mes larmes, malgré le monde présent : j’aimais beaucoup ce couple qui m’attendrissait à chaque fois que je les voyais, et je m’en voulais aussi beaucoup de n’avoir rien vu venir : Paul expliquait dans la deuxième lettre qu’il ne supportait pas l’idée de devenir aveugle et qu’Odette, son inséparable, avait décidé de le suivre dans ce dernier voyage.
Souvenir de carabin
Odette et Paul
Publié le 26/12/2018
- 2 RéactionsCommenter
- Partager sur Facebook
Facebook
- Partager sur X
X
- Partager sur Linkedin
Linkedin
- Partager par mail
Mail

odette
Crédit photo : S. Toubon
J. Lap, généraliste retraité
- 2 RéactionsCommenter
- Partager sur Facebook
Facebook
- Partager sur X
X
- Partager sur Linkedin
Linkedin
- Partager par mail
Mail
Source : lequotidiendumedecin.fr
Article précédent
Un p'tit cognac pour se ragaillardir
Article suivant
Un professeur pas très tolérant
Envahie par la honte, je voulais disparaître...
Braqué par un patient
Mon premier coma hypoglycémique
Un p'tit cognac pour se ragaillardir
Odette et Paul
Un professeur pas très tolérant
Mort d'un cobaye
Jaune comme un coing
Du sang comme dans un film d'horreur !
Le jour où j'ai envoyé paître le n° 2 du service
Quand je suis devenue externe...
« Ce jour-là, j'ai pris l’hôpital en horreur »
« L’accès au secteur 2 pour tous, meilleur moyen de préserver la convention », juge la nouvelle présidente de Jeunes Médecins
Jeu concours
Internes et jeunes généralistes, gagnez votre place pour le congrès CMGF 2025 et un abonnement au Quotidien !
« Non à une réforme bâclée » : grève des internes le 29 janvier contre la 4e année de médecine générale
Suspension de l’interne de Tours condamné pour agressions sexuelles : décision fin novembre