Le verdict a été rendu le 14 avril par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Deux médecins, les Drs Martial Dekhili et François Vandenbossche ont été condamnés respectivement à six et neuf mois de prison avec sursis et à 8 000 euros d’amende chacun pour blessures involontaires causées à une mère de trois enfants, amputée des quatre membres après un défaut de prise en charge. Le CHU de Bordeaux a été relaxé. Les deux praticiens devront en sus payer à eux deux 10 000 euros de frais d’avocat à la victime.
Choc septique
Le 22 juillet 2011, Priscilla Dray, alors âgée de 35 ans, a rendez-vous au CHU de Bordeaux pour une IVG avec pose de stérilet dans la foulée. L’intervention se passe correctement, mais le lendemain, son état s'aggrave, elle frôle les 40 °C de fièvre. Elle retourne à l’hôpital mais le Dr Martial Dekhili, médecin de garde, la renvoie chez elle sans antibiotique. À son domicile, elle est prise de nausées et son état s’aggrave. Le 24 juillet, elle est admise aux urgences gynécologiques du CHU par un interne sous la responsabilité du Dr Vandenbossche, chef de clinique. Elle y attend plus de quatre heures pour obtenir la première prise d’antibiotiques. Une prise de sang révèle un choc septique. Priscilla Dray est alors en détresse respiratoire. Dans la nuit du 24 au 25 juillet, ses chances de survie sont estimées à 5 %, raconte France Info le 14 avril. Dans les semaines qui suivent, l'infection gangrène peu à peu les extrémités de son corps. Elle est amputée le 25 août des deux jambes, de l'avant-bras droit et de la main gauche. 14 ans plus tard, Priscilla Dray a été greffée des deux mains aux États-Unis. Elle a également subi 92 opérations chirurgicales, rapporte Le Parisien le 17 avril.
Quatre fautes retenues envers les praticiens
Dans cette affaire, les deux médecins étaient jugés pour avoir « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement, causé volontairement ou involontairement une incapacité supérieure à trois mois ».
Le tribunal a reproché au chef de clinique présent ce soir-là, le Dr François Vandenbossche, de ne pas avoir pris la mesure de la situation. « La patiente a perdu quatre heures et demie entre son arrivée aux urgences et la première prise antibiotique », a déploré le président du tribunal Gérard Pitti, dans Le Parisien. Le médecin ne s’est pas déplacé non plus pour l’examiner, n’a pas contrôlé son interne et ne s’est pas assuré que l’anesthésiste à qui il avait fini par adresser sa patiente était disponible. La patiente n’a pu bénéficier qu’avec du retard d’un service de réanimation et de déchocage. Une faute caractérisée a donc été établie.
Relaxe du CHU malgré la « faille empathique »
Quant à l’établissement, même s’il n’est pas condamné, aucune faute en termes d'organisation n'ayant été retenue, le président du tribunal a relevé « le manque d'empathie de l'hôpital » et a complété : « Si sa responsabilité n'est pas engagée, le CHU doit entendre qu'on ne traite pas un patient comme n'importe quel usager d'un service public et que dans “hôpital”, il y a “hospitalité” et, là, il y a eu une faille empathique ».
Les avocats des deux médecins qui avaient demandé la relaxe de leurs clients ont jusqu’au 24 avril pour faire appel de la décision judiciaire. La direction du CHU sollicitée par Le Quotidien a indiqué qu’elle « n’apportera pas de commentaires sur la décision de justice ».
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