La nutrition dans les établissements de santé est un enjeu pour les patients, les soignants et la santé publique. L'idée d'émettre des recommandations sur les alimentations thérapeutiques à l'hôpital est née d'une enquête menée par le comité de liaison alimentation nutrition (InterClan) de la région Champagne-Ardennes, puis d'une étude nationale menée sous l'égide de la SFNCM (2,3). Ces travaux ont mis en lumière une très grande disparité dans le nombre de régimes thérapeutiques : la moitié des centres en proposent entre 1 et 10, mais pratiquement 40 % de 11 à 50 régimes différents ! Les dénominations de ces régimes sont elles aussi très variables, et des régimes identiques sont désignés par des termes différents.
« En l'absence de recommandations nationales ou européennes, ces alimentations reposent pour beaucoup sur des habitudes, parfois des idées fausses, qu'on a du mal à changer. Il était indispensable de les rationaliser sur le plan national. Ces recommandations répondent à différentes questions : quels sont les besoins et attentes du patient, dans quel contexte, aigu ou chronique, quelles sont les indications et leurs niveaux de preuve, et comment les décliner en une offre alimentaire adaptée », explique le Pr Didier Quilliot, nutritionniste au service d'endocrinologie, diabète, nutrition du CHRU de Nancy, détaillant les trois objectifs prioritaires de ce texte : d'abord et avant tout, lutter contre la dénutrition. En 2019, comme il y a 40 ans, il y a toujours entre 20 et 40 % de patients dénutris à l'hôpital (20 % y entrent dénutris et 20 % le deviennent au cours de leur séjour). Les conséquences sont majeures sur le risque d'infection, de complications, d'arrêt de traitement, de durée de séjour. La seconde préoccupation est celle de la promotion de la santé – moins marquée en France que dans les pays anglo-saxons où le snacking est beaucoup plus important. Enfin, l'alimentation doit être adaptée à chaque patient et à sa situation clinique.
Pour établir un consensus d'experts – membres de la SFNCM et diététiciens de l'AFDN à parts égales – la méthode Delphi a été utilisée, afin de prendre en compte les opinions divergentes, amendées progressivement, jusqu'à arriver à un consensus le plus fort possible. Vingt-trois recommandations seront ainsi présentées la semaine prochaine lors des journées de nutrition clinique (2), avec un vote en direct des participants, incluant aussi les responsables de cuisine et les sociétés de restauration concernant l'applicabilité et la faisabilité des propositions. « Cette initiative a été remarquée par l'European society for clinical nutrition and metabolism (Espen), qui va reprendre en grande partie ces recommandations françaises », se félicite le Pr Quilliot.
Plus d'homogénéité et de cohérence
L'offre alimentaire standard, sa valeur nutritionnelle, la conformité avec les objectifs a d'abord dû être déterminée. Qui prescrit, comment, et de quelle manière évaluer ces régimes a été précisé. Il a fallu aussi définir précisément les textures, variables selon les établissements.
Les experts se sont accordés sur la nécessité de limiter le nombre de régimes restricitifs ; au-delà de deux par patient, le risque de dénutrition est grand. Les indications ont été revues, certaines paraissant infondées, mais la littérature est souvent assez pauvre.
Une analyse de différentes études a permis de déterminer le seuil d'apport en sel pour les régimes sans sel : descendre trop bas n'a pas d'utilité clinique et le patient ne se nourrit plus assez. La littérature est assez claire sur l'alimentation restreinte en protéines, en revanche les avis divergeaient sur les alimentations restreintes en fibres, surtout sur leur utilité. Certains régimes sans épices, sans acides ou destinés aux diabétiques reposent sur des notions obsolètes et ont été écartés. Quant à la restriction calorique chez les patients obèses ou en surpoids, elle n'a pas sa place au cours d'une hospitalisation de courte durée car ces patients sont aussi à risque de dénutrition.
Entretien avec le Pr Didier, nutritionniste, service d'endocrinologie, diabète, nutrition, CHRU de Nancy
(1) AFDN, Association française des diététiciens nutritionnistes. Présentation lors des 57
e Journées d'étude de l'AFDN, Dijon, 6 au 8 juin 2019
(2) SFNCM, Société francophone nutrition clinique et métabolisme. Journées de Nutrition Clinique, Nancy, 6 et 7 juin 2019
(3) Vaillant Marie-France et al. État des lieux des pratiques alimentaires et régimes dans les établissements de santé français : enquête nationale 2017. Nutrition Clinique et Métabolisme 2019(1633):1-81
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