À la fin de cette semaine, un congrès chapeauté par le Syndicat des médecins libéraux (SML) sera consacré à la place des femmes dans le monde médical. Un de plus...
Alors que le projet de loi sur l’égalité femmes – hommes est attendu le 26 juin à l’Assemblée nationale en seconde lecture, le monde syndical de la médecine s’active volontiers sur la question de la féminisation de la profession.
Depuis quelques années, commissions, groupes de travail et branches « femmes » fleurissent. Un effet de la féminisation qui ne se dément pas. En 2014, huit étudiants sur dix en deuxième année de médecine sont des femmes. Les nouveaux praticiens qui s’inscrivent aujourd’hui à l’Ordre sont à 60 % des femmes. Elles constituent 57 % des remplaçants actifs. Dans quelques années, elles entameront leur carrière selon un canevas professionnel radicalement différent de celui d’une profession qui, jusqu’en 1962, se composait à 90 % d’hommes. Un demi-siècle a suffi pour changer la donne. Et nul ne peut fermer les yeux sur les enjeux propres à la féminisation de la profession.
L’hôpital plus ouvert que le monde libéral
Mais si les syndicats médicaux affichent un intérêt ostentatoire (ou opportuniste) sur la thématique des femmes médecins, dans les faits les lignes ne bougent guère.
Chez les libéraux, les organes de direction, où s’élaborent notamment la stratégie politique et conventionnelle, restent largement désertés par les femmes. Le bureau du SML compte deux femmes sur 15, celui de MG France une sur 11. À la Confédération des syndicaux médicaux français (CSMF), le Dr Béatrice Fazilleaud détient la vice-présidence depuis le mois de mars. Un geste d’ouverture salué – en sourdine – par plusieurs femmes syndiquées à la concurrence, d’autant que la Conf’ est pour beaucoup « un syndicat de mecs par excellence ». De fait, la généraliste est la seule femme sur 19 membres.
Plus féminisé, l’hôpital se débrouille mieux. Au sein de bureaux plus ramassés, deux intersyndicales sur cinq sont dirigées par des femmes. La psychiatre Rachel Bocher tient les rênes de l’INPH depuis 15 ans. Et le Dr Nicole Smolski, anesthésiste, pilote Avenir Hospitalier depuis trois ans. Pourtant, derrière les têtes d’affiche, la composition des syndicats de PH révèle, encore une fois, le rôle secondaire joué par les femmes.
Arme politique
Celles qui tirent leur épingle du jeu ont une explication contrastée sur la désertion de leurs consœurs. Pour certaines, le syndicalisme médical – « joutes oratoires », « réunions inutiles » et « luttes d’influence » – ne séduit guère. Émancipée des rangs du SML en 2013, l’association « Femme, médecin libéral », en a fait son credo : « un think tank féminin est plus accessible qu’un syndicat », assure le Dr Sophie Bauer, chirurgien cardiovasculaire.
Pour d’autres, l’investissement en temps, sacrificiel, fait fuir : aller-retour à Paris (souvent le dimanche), congrès, réunions, négociations… Difficile de porter la parité syndicale à bout de bras quand elle existe peu à domicile, souffle-t-on ici et là.
Il y a aussi le machisme ordinaire, à la fois repoussoir et arme politique. Certaines femmes médecins en ont fait les frais, d’autres non, mais toutes jugent qu’être une femme syndiquée demande un « surinvestissement ». Le Dr Nicole Bez, 25 ans de syndicalisme au compteur de MG France, s’est entendu dire, lors d’une réunion à la CARMF un samedi matin, qu’elle « ferait mieux d’aller faire le marché ».
Souvent, la femme est enfermée dans sa spécificité. C’est pour cette raison que le Dr Fazilleaud préfère « donner son avis sur tout » plutôt que se cantonner au dossier « protection sociale ».
Paradoxe : la lutte pour l’alignement du congé maternité des libérales sur les salariées a porté plus d’une femme sur les fronts syndicaux, au début des années quatre-vingt. Et a permis des avancées. Marisol Touraine l’a compris : son dispositif de praticien territorial de médecine générale (PTMG), qui garantit une protection sociale renforcée en sus d’un salaire mensuel minimal, en est la dernière illustration.
Inciter sans imposer
Verra-t-on un jour la parité au sein de chaque syndicat ? Les syndicats reconnaissent leurs lacunes. « Même les hommes passéistes progressent », s’amuse le Dr Claude Colas, endocrinologue (la deuxième spécialité la plus féminisée après la gynécologie) et seule femme au sein du nouveau bureau de l’UMESPE, la branche spécialiste de la CSMF.
Pour autant, aucun syndicaliste (des deux sexes) n’est favorable à des mesures d’égalité par la contrainte. « On doit rechercher la parité sans l’imposer, résume le Dr Pascale Le Pors, vice-présidente d’Avenir Hospitalier et du SYNGOF (gynécologues-obstétriciens). Je serai choquée de voir un candidat nommé praticien hospitalier pour son genre plutôt que pour ses compétences. »
Beaucoup reste à faire pour garnir les rangs syndicaux de femmes. Les optimistes misent sur l’effet de nombre. D’autres parient sur le rapprochement entre les attentes des femmes et celles des jeunes médecins en général (exercice collectif pluridisciplinaire, rémunération mixte, organisation plus équilibrée du temps de travail...).
Pas sûr que cela suffise : Marisol Touraine a reçu la semaine dernière six représentants des jeunes médecins au ministère de la Santé. Parmi eux, le Dr Florence de Rohan Chabot, présidente du syndicat des chefs de clinique (ISNCCA). La seule femme, et la première élue à la tête de son syndicat depuis sa création, il y a 50 ans.
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