Les standards de la prévention du cancer du col de l'utérus sont connus. Chez les femmes âgées de moins de 20 ans, elle se fonde sur l'immunisation, avec aujourd'hui un vaccin à 9 valences (lire aussi p. 10), qui protège contre de 85 à 88 % des lésions précancéreuses et qui est donc plus efficace que le 4 valences dont la protection était de 60 %. Et, chez celles âgées de plus de 25 ans, la prévention fait appel au dépistage, dont les modalités se précisent.
Le dépistage organisé (lire ci-dessous) permet, selon les différentes expérimentations menées en France, d’augmenter le taux de participation de 11 points en moyenne, avec cependant une grande hétérogénéité selon les départements impliqués. Dans les pays de niveau économique élevé qui ont mis en place des structures de dépistage organisé ou dans ceux où il demeure opportuniste, la courbe d'incidence du cancer du col, qui a significativement baissé jusque dans les années 1980 a, atteint depuis un plateau, indiquant des limites de ce qu’on peut exiger de cette méthode.
Il faut donc parallèlement améliorer les outils utilisés ; et de nombreux pays ont ainsi introduit le test HPV comme outil de dépistage primaire. La sécurité du test HPV à long terme est démontrée : après 6, 10, voire 15 ans de suivi, les taux de lésions CIN3 + sont très faibles (moins de 0,2 % en moyenne à 5 ans) chez les femmes qui avaient un test HPV négatif, alors qu'ils sont quatre fois plus élevés chez celles dont le frottis était négatif. Cela autorise l’espacement de l'intervalle de dépistage en toute confiance (5, voire 8 ans), ce que le seul frottis négatif ne garantit pas.
Lorsqu'il est positif, ce qui est le cas chez 10 à 12 % des femmes de plus de 30 ans, le test HPV est de 33 % plus sensible que le frottis pour détecter les lésions CIN3 +. Toutes les femmes ayant un test HPV positif ne sont toutefois pas à risque de lésions CIN3 + et il faut donc avoir recours à un test dit de triage pour identifier celles qui doivent être explorées et libérer les autres.
Cytologie et génotypage
« Nous avons aujourd'hui deux tests de triage bien documentés, la cytologie et le génotypage », souligne le Dr Joseph Monsonego, Président du Comité scientifique d'Eurogin.
Une première approche consiste à faire un dépistage primaire par test HPV chez les femmes de plus de 30 ans, suivi d'un frottis en cas de positivité puis d'une colposcopie lorsque le frottis anormal est validé : la détection des lésions de haut grade est augmentée comparativement au recours au seul frottis. Mais compte tenu de la reproductibilité atténuée de l'analyse cytologique, et donc d'un possible manque de sensibilité dans le cadre du triage, un frottis négatif après un HPV positif impose un nouveau contrôle un an plus tard, par test HPV ou nouveau frottis.
Le génotypage viral représente une deuxième stratégie de triage. Parmi les nombreux HPV oncogènes, seuls quelques types viraux sont à l'origine de plus de 90 % des CIN3 +. « Le risque de lésions CIN3 + à terme a pu être stratifié selon le type viral présent, dans notre étude française menée en 2012 », indique le Dr Monsonego. Le principal HPV en cause dans les lésions de haut grade était le HPV 16, suivi dans un ordre décroissant des HPV 33, 31, 58, 45 et 18. Pour le risque de cancer, ce sont les HPV 16 et 18 qui sont les plus impliqués. « Ainsi, un portage d'HPV 16, quel que soit le profil cytologique, est un indicateur de risque de CIN3 +, estimé de 15 à 40 % à court ou à long terme », poursuit le Dr Monsonego avant de préciser que c'est ce constat qui a poussé les autorités américaines à référer systématiquement à la colposcopie toutes les femmes ayant un HPV 16.
Protéine, méthylation…
D'autres méthodes sont en cours d'évaluation. L'une se base sur la présence de la protéine p16, qui indique la perte de contrôle du cycle cellulaire par l’expression d’une protéine virale. En situation de triage, le double marquage p16/Ki67 est plus sensible que le frottis seul à détecter les lésions CIN3 + (+ 24 % selon une récente étude) et sa valeur prédictive négative est de 97 %. Mais ce test n'est pas automatisé et le résultat peut être opérateur-dépendant.
On peut aussi rechercher la méthylation de l'ADN cellulaire ou viral. Elle signe la présence d'une lésion de haut grade dans 50 à 70 % des cas, mais le test peut donc être négatif dans 30 à 50 % des CIN3 +, en particulier pour les lésions les plus récentes. Pour l'instant, les travaux portent essentiellement sur l'ADN cellulaire, mais les tests viraux pourraient permettre de détecter aussi les lésions récentes.
La troisième voie explorée est celle du séquençage des HPV, capable de différencier, parmi les HPV à haut risque oncogène, les variants les plus actifs.
« Grâce aux outils qui définiront au plus près le risque de CIN3 +, nous entrerons vraiment dans une ère de médecine de précision et de prévention sur mesure », souligne le Dr Joseph Monsonego.
Entretien avec le Dr Joseph Monsonego, Président du Comité scientifique d'Eurogin
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