Un groupe hétérogène avec une multiplicité de variations biologiques possibles

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Publié le 25/02/2019
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intersexe

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Crédit photo : AFP

« Les intersexes représentent un groupe très hétérogène d'individus aux phénotypes différents et dont la prise en charge, quand elle est nécessaire, est variable d'un cas à l'autre, indique le Pr Yves Aigrain, chef du pôle médico-chirurgical pédiatrique de l'hôpital Necker Enfants Malades. Raisonner globalement en termes d'"intersexe" n'a pas grand sens médicalement ».

Les intersexes présentent des variations des organes génitaux : leurs caractères sexuels externes ou internes ne sont ni typiquement masculins ni typiquement féminins. Les causes à l'origine de ces anomalies du développement génital sont souvent méconnues.

Une multiplicité de profils

Des individus XX peuvent ainsi avoir des organes génitaux virilisés. « Un défaut au niveau de la synthèse des hormones stéroïdiennes surrénaliennes entraîne une hyperproduction d'androgènes et le développement partiel d'organes masculins », explique Pascal Philibert, praticien hospitalier au CHU de Montpellier et chercheur à l'institut de génétique humaine de Montpellier. Selon les cas, le phénotype est masculin ou bien féminin avec par exemple une hypertrophie du clitoris.

« L'hyperandrogénie peut aussi être liée à une hyperplasie congénitale des surrénales : les mécanismes conduisant à la synthèse de glucocorticoïdes et de minéralocorticoïdes sont détournés au profit de la synthèse d'androgènes. Il s'agit d'une urgence vitale qui doit être rapidement prise en charge par hormonothérapie », précise le Pr Aigrain.

Des individus XY peuvent au contraire développer des caractères sexuels féminins en raison notamment d'un déficit en androgènes ou en hormone antimüllérienne. Ils peuvent avoir une apparence féminine avec un utérus plus ou moins développé et/ou un vagin ou bien masculine avec par exemple une malformation urétrale, appelée hypospadias.

Une mutation au niveau du gène des récepteurs aux androgènes ou bien du gène de l'enzyme 5α réductase, enzyme permettant la synthèse de dihydrotestostérone (DHT) à partir de la testostérone, peut être en cause. « La DHT est responsable de la virilisation des organes génitaux externes. En son absence, l'individu présente un phénotype plutôt féminin malgré la production de testostérone, détaille Pascal Philibert. C'est le cas de certaines athlètes dont le niveau élevé de testostérone a suscité le débat ».

« La situation la plus difficile est celle des enfants présentant une dysgénésie gonadique associée à un risque de transformation tumorale », ajoute le Pr Aigrain.

Une prise en charge pas toujours nécessaire

Selon lui, « un grand nombre des variations des organes génitaux ne mettent pas en jeu le pronostic vital et n’imposent pas de prise en charge chirurgicale précoce ». Certaines variations peuvent même passer inaperçues et ne se révéler qu'à la puberté (en cas d'absence de règles chez des femmes XY par exemple).

Si certains cas nécessitent une prise en charge, les interventions réalisées chez les tout-petits sont parfois décriées, car jugées abusives, voire mutilantes. Le débat est loin d'être clos, mais la tendance est désormais d’attendre un âge auquel l’enfant pourra participer à la décision. « Aucune intervention médicamenteuse ou chirurgicale n'est mise en œuvre dans les premiers mois de vie sauf en cas d'urgences vitales », en atteste le Pr Aigrain.

Face à un déficit en 5α réductase (individus XY), un traitement hormonal peut toutefois être mis en place chez le nouveau-né pour favoriser le développement d'organes masculins. Une pratique justifiée par le fait que ces individus développent des caractères masculins à la puberté, une autre voie enzymatique de la synthèse de DHT se mettant en place. « Nous savons aujourd'hui que la plupart des patients souhaitent s'orienter vers un phénotype masculin », avance le Pr Aigrain. « De meilleurs résultats sont obtenus lorsque la stimulation est réalisée dès l'enfance », justifie également Pascal Philibert.

Les garçons souffrant d'hypospadias peuvent aussi être opérés dès l'enfance. Chez ces individus, le méat urinaire est en effet mal situé, ce qui rend impossible la miction debout et peut avoir des répercussions sur les relations sexuelles.

De façon générale, les opérations chirurgicales sont réalisées en cas d'altération de la fonction urinaire ou de répercussions ultérieures sur la vie sexuelle. Toutefois, la limite entre justification médicale et conventions sociales n'est pas toujours évidente, même si « la chirurgie n'a pas pour objectif la normalisation », insiste le Pr Aigrain.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin: 9727