Médecins du travail-médecins de ville : une indispensable collaboration

Publié le 27/09/2018
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La caisse d’assurance maladie annonce une augmentation des Indemnités journalières. Cela concerne les arrêts de plus de 3 jours, hors accident du travail et maladie professionnelle. Les arrêts de moins de 3 jours et les 3 premiers jours des arrêts plus longs ne sont pas comptabilisés car payés par les employeurs ou les mutuelles. Les raisons communément avancées sont l’âge de la retraite et la reprise de l’activité. Certes les arrêts des plus de 50 ans sont les plus longs, 76 jours en moyenne, et les plus coûteux (41 %). Mais ils ne sont pas les plus nombreux (28 %). La reprise de l’activité a mécaniquement augmenté le nombre de salariés potentiellement malade.

Cependant, des indicateurs viennent étayer le sentiment des médecins que le travail est aussi impliqué dans cette augmentation des arrêts de travail. Les dépressions, l’anxiété, l’épuisement en rapport avec le travail sont en augmentation. Ces troubles psychiques liés au travail sont à l’origine d’arrêts longs, 112 jours, et ils ne sont pas réservés aux salariés de plus de 50 ans. Ils surviennent aux alentours de la quarantaine. Le secteur médico social fait parti des 3 secteurs les plus touchés, avec les transports et le commerce de détail.

Accidents du travail, maladies professionnelles, un parcours d'initiés

Les chiffres, en 2016, de la branche accident du travail/maladie professionnelles de la CNAM attestent que 10 000 affections psychiques ont été reconnues au titre des AT (chiffre en augmentation régulière), 596 cas ont été reconnus au titre de la maladie professionnelle (chiffre multiplié par 7 depuis 5 ans). Que signifient ces chiffres ? Ces troubles psychiques liés au travail sont reconnus en AT, à condition qu’une cause extérieure puisse être identifiée, entretien d’évaluation dévalorisant, agression, altercation. La reconnaissance en maladie professionnelle s’adresse aux situations chroniques : surcharge de travail, harcèlement, charge émotionnelle importante, perte de sens du travail.

5Cependant la reconnaissance en maladie professionnelle relève d’un parcours d’initiés bien conseillés. Les troubles psychiques ne sont pas inscrits dans un tableau de maladies professionnelles. C’est donc au salarié d’apporter suffisamment de preuves permettant aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de statuer sur chaque cas. Cette reconnaissance ne pourra se faire que si l’affection est responsable d’un taux d’incapacité d’au moins 25 %, ce qui exclu de facto bon nombre de troubles psychiques en rapport avec le travail.

Autre écueil, la crainte justifiée des médecins d’être traduits devant le conseil de l’ordre du fait de certificats médicaux mal rédigés. Il est difficile de « certifier » que le travail est à l’origine du trouble, pour un médecin qui ne connaît pas l’entreprise. Les médecins généralistes, les psychiatres mais aussi les médecins du travail sont principalement confrontés à ce problème.

Agnès Buzyn, consciente de la situation, a déclaré trouver anormal que la branche maladie assume les erreurs de management des employeurs.

Les affections psychiques en lien avec le travail peinent à être reconnues. Sans dossier étayé, il est difficile de faire reconnaître le rôle du travail. C’est donc l’assurance maladie qui, actuellement, assure la plus grande partie de l’indemnisation en IJ de ces affections. La déclaration en AT/MP permet d’imputer le coût de ces arrêts à la branche prévention qui le répercute aux employeurs. Ceci a un effet incitatif à plus de prévention.

Plusieurs solutions possibles

Des pistes d’amélioration sont proposées :

« Nous rencontrons des difficultés pour sensibiliser les médecins généralistes aux risques professionnels tant leurs tâches sont étendues », reconnaît Marine Jeantet, la directrice de la branche Prévention de l’assurance-maladie. L’abaissement du taux de 25 à 10 % est un début. En attendant, la caisse d’assurance maladie préconise de déclarer en AT toute situation de trouble psychique en lien avec le travail où un fait accidentel est identifiable. Les médecins du travail ont leur rôle à jouer dans l’aide à la déclaration.

Le rapport parlementaire de la mission Lecocq sur la prévention souligne la collaboration nécessaire entre les médecins de ville et le médecin du travail en proposant de faire travailler les médecins du travail dans les centres de santé au plus près des médecins traitants et d’ouvrir l’accès au dossier médical partagé pour y inscrire les risques auxquels le salarié est exposé.

Le rapport parlementaire sur le burn-out avait préconisé d’établir un tableau de maladie professionnelle pour l’épuisement au travail. Nous soutenons sans réserve ces initiatives permettant de mieux indemniser les salariés, de faire avancer la prévention des risques liés aux organisations de travail et de diminuer les IJ de l’assurance maladie.

Dr Anne-Michèle Chartier, Présidente CFE-CGC Santé travail

Source : Le Quotidien du médecin: 9689