Maladies rares : Le long apprentissage du séquençage haut débit

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Publié le 28/02/2019
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Crédit photo : PHANIE

Pour les quelques 80% de maladies rares ayant une origine génétique, le séquençage du génome est une étape clé du diagnostic. En juin 2016, le président-directeur général de l'INSERM Yves Lévy dévoilait le plan France Génomique 2025, celui-là même qui devait propulser la France dans le peloton de tête du séquençage haut débit. Le but affiché était l’amélioration du diagnostic en cancérologie et surtout dans les 7 000 maladies rares recensées, avec des ambitions qui avaient de quoi impressionner : 12 plates-formes, un immense collecteur analyseur de données capable de traiter et d’exploiter les 235 000 génomes séquencés par an à l'horizon 2020, dont environ 60 000 pour les seules maladies rares. En tout, 40 peta octets de données devront être générés chaque année, soit l'équivalent de 20 fois le fond documentaire de l'ensemble des bibliothèques universitaires américaines !

 

Début 2019, où en somme nous ? « Le programme a pris du retard, car nous devons mettre au point un dispositif totalement innovant du point de vue de l’organisation du travail, du stockage des données, de l’éthique… Rien que sur la question du consentement, il a fallu au groupe de travail chargé de cette question 1 an de travail de fond », reconnaît auprès du « Quotidien » le Pr Damien Sanlaville, co-responsable de la future plate-forme de séquençage AURAGEN(Auvergne Rhône Alpes Génomique). Seulement deux appels d’offres pilotes ont été retenus pour débuter : celui d'AURAGEN et celui de la plate-forme SeqOiA, portée par l'assistance publique-hôpitaux de Paris, L’IGR et l’institut Curie. Sur AURAGEN un laboratoire de biologie médicale spécialisé dans le séquençage haut débit est en cours de montage afin de permettre à terme de séquencer 18 000 équivalents génome par an, pour un coût global de 129 millions sur 5 ans. « Nous devons organiser le cheminement des prélèvements, la logistique, et l'industrialisation d'une activité de séquençage jusqu'ici pratiquée de façon très artisanale », détaille le Pr Sanlaville.

 

Au niveau national, le centre de référence technologique, d’innovation, et de transfert (CRefIX1) est encore à l'état de projet et il faut encore définir un modèle économique assurant l’intégration pérenne de ce nouvel outil dans le système de soins. C'est toute une filière « médecine génomique » qui doit voir le jour. Pour le Pr Sanlaville, 4 à 5 ans seront encore nécessaire pour parvenir à un chiffre de 18 000 équivalents génomes produits annuellement par AURAGEN. Pour s’adapter à la relative lenteur du programme, la HAS a émis une liste de 12 pré indication prioritaires, donc 9 maladies rares (maladies osseuses constitutionnelles, anomalies sévères du développement sexuel, néphropathies chroniques…)

 

Ces Anglais qu'on n'a pas voulu suivre

 

Pour le Pr Mandel, de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) de Strasbourg, la France a fait une erreur en s'éloignant du modèle anglais. Annoncé un peu plus de 2 ans avant France Génomique 2025, le plan britannique a atteint son objectif de 100 000 génomes par an le 5 décembre dernier. « Les Anglais ont fait appel à un industriel pour construire un laboratoire en dehors du système de santé, détaille-t-il. En France, on a voulu par principe faire différemment, et on s'est heurté à la lourdeur de l'administration hospitalière. »

 

Les personnels travaillant dans les futures plates-formes françaises seront mis à disposition par les différents hôpitaux participant au groupement de coopération sanitaire (GCS) en charge de la structure. Pour le Pr Jean Louis Mandel, cela pose un problème de recrutement : « les entreprises privées proposent de bien meilleurs salaires que les CHU aux bio informaticiens qui seront nécessaires. Il faudra donc recruter des "juniors" qui partiront dès qu'ils auront un peu d'expérience. » Le Pr Sanlaville ne nie pas cette difficulté. « Il n'existe pas de grille de salaire pour les bio informaticiens dans la fonction publique hospitalière », ajoute-t-il.

 

Et pourtant les besoins sont énormes. « Il faut plusieurs mois à un an, et parfois jusqu'à 2 ans, pour obtenir des résultats d’analyse de génétique moléculaire », explique le Pr Sanlaville.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9728